Tribunal Pénal International pour le Rwanda

Présentation

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) est une juridiction pénale internationale créée le 8 novembre 1994 par la résolution 855 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Tribunal a siégé à Arusha en Tanzanie jusqu’au 31 décembre 2015 et était compétent pour poursuivre et juger les auteurs de violations du droit international humanitaire, de crime contre l’humanité et de génocide sur le territoire du Rwanda entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 par suite du génocide commis à l’encontre des membres de l’ethnie Tutsi.

De nombreuses décisions de justice rendues par le TPIR adressent les crimes de violence sexuelle et viennent compléter les textes et statuts dont des extraits sont rapportés ci-dessous. Le TPIR a notamment défini le viol pour la première fois dans l’affaire Akayesu en 1998.

TPIR et violences sexuelles

. Article 3 – Statut du TPIR : « Crimes contre l’humanité: Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes responsables des crimes suivants lorsqu’ils ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :
a) Assassinat; b) Extermination; c) Réduction en esclavage; d) Expulsion; e) Emprisonnement; f) Torture; g) Viol; h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses; i) Autres actes inhumains. »

. Article 4 – Statut du TPIR : « Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l’ordre de commettre des violations graves de l’Article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent, sans s’y limiter :
a) Les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles; b) Les punitions collectives; c) La prise d’otages; d) Les actes de terrorisme; e) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur; f) Le pillage; g) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés; h) La menace de commettre les actes précités. »

Jurisprudence

Affaire Le Procureur contre Jean-Paul AKAYESU – Chambre de Première Instance I : « 688. Pour la Chambre constitue le viol tout acte de pénétration physique de nature sexuelle commis sur la personne d’autrui sous l’empire de la coercition. La Chambre considère la violence sexuelle, qui comprend le viol, comme tout acte sexuel commis sur la personne d’autrui sous l’empire de la coercition. L’acte de violence sexuelle, loin de se limiter à la pénétration physique du corps humain peut comporter des actes qui ne consistent pas dans la pénétration ni même dans des contacts physiques. (…) La Chambre fait observer dans ce contexte que la coercition ne doit pas nécessairement se manifester par une démonstration de force physique. Les menaces, l’intimidation, le chantage et d’autres formes de violence qui exploitent la peur ou le désarroi peuvent caractériser la coercition, laquelle peut être inhérente à certaines circonstances, par exemple un conflit armé ou la présence militaire d’Interahamwe parmi les réfugiées Tutsies au bureau communal. Les actes de violence sexuelle entrent dans le champ des « autres actes inhumains » visés à l’article 3 i) du Statut du Tribunal, des « atteintes à la dignité de la personne » visées à l’article 4 e) du Statut et des « atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale » visées à l’article 2 2) b) du Statut.»

Affaire Le Procureur contre Alfred MUSEMA – Chambre de Première Instance : « 226. La Chambre souscrit à l’approche conceptuelle de la définition du viol retenue dans le Jugement Akayesu, qui reconnait que l’essence du viol ne réside pas dans le détail des parties du corps et des objets qui interviennent dans sa commission, mais plutôt dans le fait qu’il constitue une agression à caractère sexuel commise sous l’empire de la contrainte.»

Affaire Le Procureur contre Laurent SEMANZA – Chambre de Première Instance III : « 320. L’expression «atteinte grave à l’intégrité physique» n’est pas définie dans le Statut. La Chambre conclut néanmoins que le Statut vise à réprimer les atteintes graves l’intégrité physique, y compris les actes de violence sexuelle, qui ne répondent pas à la qualification de meurtre. Dans le jugement Kayishema et Ruzindana, la Chambre a estimé que, par atteinte grave à l’intégrité physique, il faut entendre tout «acte qui porte gravement atteinte à la santé de la victime ou qui a pour effet de la défigurer ou de provoquer des altérations graves de ses organes externes, internes ou sensoriels». De plus, la Chambre a jugé que, pour que l’atteinte grave soit constatée, il n’est pas nécessaire que ses effets soient permanents ou irrémédiables. »

« 346. L’élément moral du viol, constitutif de crime contre l’humanité réside dans l’intention de procéder à la pénétration sexuelle sachant que la victime n’est pas consentante. »

Affaire Le Procureur contre Sylvestre GACUMBITSI – Chambre de Première Instance : « A l’instar du génocide, l’assassinat et le viol constitutifs de crimes contre l’humanité figurent parmi les infractions les plus graves qui soient. Il ne fait aucun doute pour la Chambre que les auteurs principaux de tels crimes méritent de se voir infliger des peines exemplaires. »

Affaire Le Procureur contre Emmanuel RUKUNDO – Chambre de Première Instance – « 379. La Chambre rappelle que le viol et les violences sexuelles sont « constitutifs de génocide, au même titre que d’autres actes, s’ils ont été commis dans l’intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, un groupe spécifique, ciblé en tant que tel. »

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