Afrique du Sud

Commission Vérité et Réconciliation

La Commission Vérité Réconciliation a été mise en place en Afrique du Sud en 1995 suite à la chute du régime d’apartheid, afin d’identifier les violations graves des Droits de l’Homme. Pour rappel, cette politique a été instaurée par le NP (Nasionale Party), parti nationaliste afrikaner qui a remporté les élections de 1948. Cette politique séparatiste et discriminatoire a notamment été instaurée suite aux nombreuses protestations des ethnies colonisées cherchant l’indépendance suivant la Seconde Guerre mondiale et la chute de régimes racistes comme le NSDAP allemand. Les partis indépendantistes comme l’ANC (African National Congress) et le PAC (Pan Africanist Congress) seront interdits douze ans plus tard à cause de manifestations de plus en plus virulentes de la part des locaux. Les répressions policières abusives et l’usage disproportionné de la force ont mené à la lutte armée. Nombre des membres de l’ANC allaient, en effet, se former auprès des fronts de libération nationaux de l’Algérie (FLN) et du Mozambique (FRELIMO). Face à la guérilla grandissante, l’Etat d’urgence sera décrété dans les années 80 et des unités contre-insurrectionnelles comme la fameuse Unité C-10 (Vlakplass en afrikaans) feront régner la terreur. En sus, un conflit entre l’ANC et l’IFP (Inkhata Freedom Party) a éclaté. Ce parti, fondé en 1975 par le prince Zoulou Mangosuthu Buthelezi prônait le séparatisme territorial tandis que l’ANC, dirigé par Mandala, lui-même d’ethnie Xhosa et apparenté à la famille royale des Thembu prônaît l’unité territoriale. Les violences se sont donc multipliées entre certains membres de ces mouvements déterminés à voir leur rêve d’indépendance se concrétiser. En 1989, débordé par l’escalade de la violence, le gouvernement de FW de Klerk fera appel à Mandela pour pacifier les uns et les autres. Libéré en 1990, ce dernier arrivera à ce que beaucoup pensaient impossible, à savoir la désescalade progressive de la violence. Élu président de manière démocratique en 1994, Mandela mettra en place le 10 juillet 1995, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) afin d’identifier les sévères violations des Droits de l’Homme commises durant cette période d’apartheid. A travers ce mécanisme, les auteurs de ces violations pouvaient témoigner et bénéficier de mesures d’amnistie.

Chronologie

1948 : la politique de l’apartheid est adoptée lorsque le Parti national (NP) gagne les élections.

1950 : le Group Areas Act est passé et la population est classée par race.  L’ANC (parti de libération nationale) mène une campagne de désobéissance civile, sous le commandement de Nelson Mandela.

1960 : 70 protestants noirs sont assassinés à Sharpeville et l’ANC est interdit.

1961 : l’ANC devient un mouvement clandestin et commence des opérations de sabotage.

1964 : Mandela est emprisonné.

Années 70 : plus de 3 millions de personnes noires sont relocalisées de force dans des homelands.

1976 : massacre de Soweto. La police tue plus de 600 personnes.

1984-89 : révolte des Townships. L’État d’urgence est décrété.

1989 : FW de Klerk remplace PW Botha à la tête du pays. Des pourparlers avec Mandela débutent et, en conséquence,  des militants de l’ANC sont libérés.

1990 : l’ANC redevient un parti officiel et Mandela est libéré après 27 ans de prison.

1991 : l’apartheid est levé.

1993 : mise en place d’une constitution de transition.

1994 : Mandela remporte les premières élections non-raciales du pays. L’ANC a donc battu le NP, qui était en place depuis 1948. Le pays intègre les Nations Unies.

1996 : la Commission Vérité et Réconciliation, présidée par l’archevêque Desmond Tutu commence son investigation. Par ailleurs, le Parlement adopte une nouvelle constitution.

1998 : la commission affirme dans son rapport final que le régime de l’apartheid a commis de graves violations des droits de l’Homme, mais que les militants de l’ANC ont également bafoués les droits humains dans leur lutte pour l’indépendance.

1999 : l’ANC remporte à nouveau les élections et Thabo Mbeki remplace Mandela. Une nouvelle ère commence.

2005 : les enquêtes de la CVR permettent d’exhumer les premiers corps d’une centaine de personnes portées disparues durant l’apartheid, conséquence directe des actions du Vlakplaas, unité antiterroriste, chargée de la liquidation de nombreux activistes de l’ANC.

la commission en détails

Création : 10 juillet 1995

Dissolution : décembre 2002

Base juridique : promotion of National Unity and Reconciliation Act 34 of 1995

Composition : 17 membres répartis en 3 comités

    • Le Comité des violations des droits de l’homme
    • Le Comité de réparation et de réhabilitation
    • Le Comité d’amnistie

Président : Desmond Tutu
Vice-président : Dr Alex Boraine
Autres membres :  Mary Burton, Chris de Jager, Bongani Finca, Sisi Khampepe, Richard Lyster, Wynand Malan, révérend Khoza Mgojo, Hlengiwe Mkhize, Dumisa Ntsebeza, Wendy Orr,  Denzil Potgieter, Mapule Ramashala, Dr Faizel Randera, Yasmin Sooka et Glenda Wildschut.

Mandat : promouvoir l’unité nationale et la réconciliation dans un esprit de compréhension qui transcende le conflit et les divisions du passé.

Compétences :

I. Établir un tableau aussi complet que possible des causes, de la nature et de l’ampleur des violations flagrantes des droits de l’homme qui ont été commises pendant la période allant du 1er mars 1960 à la date butoir, en menant des enquêtes et en organisant des auditions.

II. Faciliter l’octroi d’une l’amnistie aux personnes qui divulguent pleinement tous les faits pertinents relatifs aux violations commises.

III. Rétablir la dignité humaine et civile de ces victimes en leur donnant la possibilité de raconter elles-mêmes les violations dont elles ont été  victimes, et en recommandant des mesures de réparation à leur égard.

IV. Établir un rapport rendant compte de la manière la plus complète possible des activités et des conclusions de la Commission et y intégrer des recommandations visant à prévenir les violations futures des droits de l’homme.

conclusions & recommandations

Dans son rapport final, composé de cinq volumes, publié en 1998, la Commission a retracé l’historique des atteintes aux droits fondamentaux commises par toutes les parties au conflit en Afrique du Sud entre 1960 et 1994.

Conclusions

« La Commission a conclu que l’Etat a perpétré, entre autres, les types de violations sévères des droits de l’homme suivants en Afrique du Sud : de sévères, mauvais traitements incluant des agressions, abus ou harcèlements sexuels, la restriction forcée sur les individus sous forme d’ordres d’interdiction et bannissement, la retenue délibérée de soins médicaux, nourriture et eau, la destruction de maisons ou bureaux à travers des incendies criminels ou sabotage, et la mutilation de parties du corps. »

La Commission a constaté que plus de 22 000 personnes avaient directement été victimes de violations flagrantes des droits de l’homme durant l’apartheid

Sur un total de 7111 demandes d’amnistie, la CVR n’en accorda que 849 dû à des crimes jugés trop graves ou dû à un manque de sincérité de la part de criminels.

Recommandations principales

– Pour le droit à la justice : poursuivre les auteurs de violations auxquels l’amnistie n’a pas été accordée.

– Pour le droit à la guérison et la garantie de non-répétition : faciliter la réhabilitation de victimes et de perpréteurs par l’instauration de centres de réhabilitation.

– Pour le travail de mémoire :  rendre accessible au plus grand nombre les enregistrements de la Commission et créer un musée national.

– Pour le droit à la réconciliation : rétablir la communication entre les différentes communautés religieuses.

– Pour la prévention de la violence : enseigner les droits de l’Homme aux membres de l’administration pénitentiaire.

mesures post-recommandations

En 2000, l’IJR (Institut pour la Justice et la réconciliation a été créé pour poursuivre les travaux de la CVR. Cet institut mène à bien :

  • Des programme d’interventions pour la consolidation de la paix
  • Des programme de recherche et de politique
  • Des programme de communication, de plaidoyer et de stratégie

En 2003, le président Thabo Mbekti a soutenu que le gouvernement indemniserait financièrement chacune des 22 000 victimes qui se sont exprimées aux audiences publiques.

la prise en compte des violences sexuelles

La Commission Vérité et Réconciliation sud-africaine n’a pas traité de la violence sexuelle de façon spécifique, comme le démontre son mandat. Le dispositif prévu par le Promotion of National Unity and Reconciliation Act 34 de 1995 prévoit cependant l’interdiction de se baser sur le genre à l’occasion du recueil des témoignages des victimes.

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