Salvador

Commission de Vérité

Au Salvador, l’instabilité politique et les conflits politiques des années 1970 aboutissent à une guerre civile en 1980. Durant 12 ans, différentes parties, dont les forces armées du Salvador, les escadrons de la mort, le FMKLN ou encore l’Arena, s’affrontent, commettant de nombreuses violations des droits humains. Une médiation des Nations Unies, débutée en 1990, permet de mettre fin au conflit le 16 janvier 1992 par la signature des Accords de Paix de Chapultepec, à Mexico. 

Ces accords prévoient la création d’une Commission Vérité chargée d’enquêter sur les actes de violence graves survenus depuis 1980 ainsi que sur la nature et les effets de la violence, et de recommander des méthodes pour promouvoir la réconciliation nationale. La Commission a commencé son travail dès juillet 1992 et a rendu son rapport final en 1993.

Chronologie

1838 : Indépendance du Salvador. Malgré des conflits politiques, le pays n’a pas connu de violences politiques jusqu’en 1931. L’instabilité politique s’est alors généralisée et de nombreuses violations des droits de l’homme en ont suivi. Les affrontements entre le gouvernement militaire de droite et la guérilla de gauche se sont poursuivis pratiquement sans cesse jusque dans les années 1970

1970 : Les combats et la violence s’intensifient et atteignent leur apogée en 1979. 

1979 : Le gouvernement du général Carlos Romero commet de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment dénoncées par les membres du clergé catholique romain. En octobre, Romero est évincé par un autre coup d’État militaire. Ce coup d’État, aggravé par l’assassinat de l’archevêque Óscar Romero en 1980, marque le début de la guerre civile. José Napoleón Duarte, le chef du Parti Démocratique Chrétien (PDC) prend alors la tête du gouvernement provisoire jusqu’aux élections de mars 1982.

Un cycle de violence s’installe, des escadrons de la mort, groupes paramilitaires possédant de forts liens avec l’armée, firent des milliers de victimes. La Force Armée Salvadorienne (ESAF) s’engage également dans la répression et les massacres aveugles, commettant d’innombrables violations des droits humains. 

1980 : Le FMLN est officiellement créé comme un amalgame de cinq groupes de guérilla de gauche soutenus par Cuba.

1981 : Roberto D’Aubuisson forme un nouveau parti politique de droite : l’Alliance républicaine nationaliste (Arena), pour combattre le FMLN. Ce nouveau groupe entretient des liens étroits avec les escadrons de la mort et commet de nombreux massacres. 

1982 : Duarte est élu président. Une assemblée constituante est également élue. Une nouvelle constitution est proposée l’année suivante venant renforcer les droits individuels. Les affrontements continuent toutefois entre les différentes parties.  

1989 : Alfredo Cristiani appartenant à l’ARENA remporte l’élection présidentielle. Son investiture représente la première passation pacifique du pouvoir d’un dirigeant civil librement élu à un autre. Le jour de son investiture, il appela à un dialogue direct dans le but de mettre fin à la décennie de conflits entre le gouvernement et les guérilleros. Cependant des infractions graves continuent contre le FMLN. Le dialogue est arrêté en octobre suite à une offensive majeure du FMLN contre plusieurs villes urbaines dont la capitale. 

1990 : Les Nations Unies engagent des médiations directes entre les deux camps. Le 25 septembre 1991, les deux camps signèrent l’Acte de New York, qui lança un processus de négociation en créant le Comité pour la Consolidation de la Paix (COPAZ), constitué de représentants du gouvernement, du FMLN, et de partis politiques, avec des observateurs de l’ONU et de l’Église catholique. 

1992 : Les Accords de Paix de Chapultepec sont signés à Mexico le 16 janvier. Ces accords prévoyaient la création d’une Commission Vérité. Un cessez le feu de 9 mois prit effet le 1er février 1992 et ne fut jamais rompu. Une cérémonie, le 15 décembre 1992, marqua la fin officielle des conflits, concordant avec la démobilisation des dernières structures militaires du FMLN et la suppression du statut de parti politique du FMLN. 

1993 : La Commission vérité rend son rapport final. 

La Commission en détails

Création : Juillet 1992 

Dissolution : 15 mars 1993 

Base juridique : Accords de Paix de Mexico 

 

Composition : La commission était composée de trois commissaires internationaux, tous des hommes, nommés par le secrétaire général des Nations unies. 

Belisario Betancur (Président), Reinaldo Figueredo Planchart et Thomas Buergenthal. 

 

Mandat : La commission a été chargée d’enquêter sur les actes de violence graves survenus depuis 1980 ainsi que sur la nature et les effets de la violence et de recommander des méthodes pour promouvoir la réconciliation nationale.

Compétences :

– Recueillir, par les moyens qu’il juge appropriés, toute information qu’il juge pertinente. La commission a toute liberté pour utiliser les sources d’information qu’elle juge utiles et fiables. Elle reçoit ces informations dans le délai et selon les modalités qu’elle détermine. 

– Interroger, librement et en privé, tout individu, groupe ou membre d’organisations ou d’institutions. 

– Visiter librement tout établissement ou lieu sans avis préalable. 

– Effectuer toute autre mesure ou enquête qu’il juge utile à l’exécution de son mandat, y compris demander des rapports, des dossiers, des documents aux Parties ou toute autre information aux autorités et services de l’Etat. 

– Présenter un rapport final, avec ses conclusions et ses recommandations, dans un délai de six mois après sa création. 

Conclusions et recommandations

Le rapport final a été rendu par la Commission en 1993, il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

 

Conclusions

– Parmi plus de 22 000 plaintes documentées, 60% concernaient des exécutions extrajudiciaires, 25% des disparitions, 20% des actes de torture, certaines alléguant plus d’une forme de violence.

– Sur la base des témoignages recueillis, la commission a attribué 85% des actes de violence à des agents de l’État, qui ont eu lieu principalement dans les zones rurales. Environ 5 % des actes de violence ont été attribués au FMLN.

– Le rapport a nommé des acteurs individuels qui seraient responsables de violations des droits de l’homme.

 

Recommandations : Les recommandations de la commission étaient juridiquement contraignantes, conformément à son mandat.

– La commission a recommandé le licenciement des officiers de l’armée et des fonctionnaires coupables et la disqualification de toute autre personne impliquée dans des actes répréhensibles, y compris ceux sur lesquels la commission a enquêté, de toute fonction publique.

– La commission a appelé à une vaste réforme judiciaire et juridique (notamment en ce qui concerne le recours aux aveux forcés dans les procès) et à des réformes institutionnelles et de sécurité.

– Elle n’a pas demandé que les auteurs incriminés soient poursuivis, car elle a estimé que le système juridique salvadorien était incapable d’exécuter efficacement de telles poursuites.

– La commission a recommandé des réparations pour les victimes, notamment des monuments commémoratifs et des compensations financières.

– La commission a recommandé qu’un forum, composé d’un secteur représentatif de la société, soit établi pour surveiller la mise en œuvre des recommandations.

mesures post recommandations

Le gouvernement civil et les forces armées ont rejeté le rapport de la commission et aucune organisation de suivi n’a été créée.

Pour autant, certaines mesures ont été prises conformément aux recommandations de la Commission : 

– Environ 200 hauts fonctionnaires ont été retirés de l’armée. Les membres du haut commandement qui ont été nommés dans le rapport des commissions ont été mis à la retraite, bien qu’avec tous les honneurs, quelques mois après la publication du rapport.

– Sous la forte pression de l’ONU, un nouveau Code de procédure pénale a été adopté en 1996, renforçant les droits procéduraux des accusés et des victimes. La structure des nominations à la magistrature et de l’examen du rendement a également été réformée.

Cependant, ni les recommandations de la commission concernant une réforme judiciaire,  ni la création d’un fonds pour le paiement des réparations aux victimes n’ont été mises en œuvre.



Concernant les poursuites des auteurs de violations graves des droits de l’homme

Cinq jours après la publication du rapport final et après des rumeurs de menaces de coup d’État militaire, la législature a adopté une loi d’amnistie générale couvrant tous les crimes liés à la guerre civile. En 1999, la Commission interaméricaine a statué que la loi d’amnistie du Salvador violait le droit international en excluant toute enquête supplémentaire sur les meurtres de six prêtres jésuites et de deux femmes en 1989.

Quelques procès relatifs aux droits humains ont été menés durant lesquels les preuves recueillies par la commission ont été cruciales. Néanmoins elles ont rarement abouti à des condamnations.

Fin 2008, des avocats des droits de l’homme ont déposé une plainte devant la Haute Cour espagnole alléguant que l’ancien président Burkard et 14 anciens membres de l’armée avaient joué un rôle dans la mort de six prêtres jésuites et d’autres personnes. Le rapport final de la Commission Vérité en 1991 mentionnait que le général René Emilio Ponce avait ordonné le meurtre de l’un des prêtres et du recteur de l’Université centraméricaine de San Salvador.

prise en compte des violences sexuelles

Le rapport final ne s’intéresse pas particulièrement aux violences sexuelles bien qu’il mentionne quelques cas de viols ou agressions sexuels.

Documents complémentaires

médiathèque audiovisuelle

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