Commission Vérité, Justice et Réconciliation
Depuis son indépendance en 1963, le Kénya subit une forte instabilité politique. A la suite de la plupart des élections présidentielles qui ont suivi, en 1992, 1997 et 2002, le pays a fait face à de nombreux conflits extrêmement violents. De nombreuses violations des droits de l’homme ont ainsi été commises pour des raisons à la fois politiques et ethniques.
En 2008, une loi a été adoptée afin d’instituer la Commission Vérité Justice et Réconciliation au Kénya afin de promouvoir la paix, la justice, l’unité nationale, la guérison et la réconciliation au sein du peuple kényan et d’enquêter sur les d’enquêter sur les violations graves des Droits de l’Homme commises au Kenya entre 1963 à 2008. La Commission a rendu son rapport final en 2013. Ce rapport consacre une partie détaillée sur les violences sexuelles.
Chronologie
1963 : Le Kénya acquiert son indépendance.
1991 : Adoption d’une réforme constitutionnelle permettant le multipartisme au Kenya.
1992 : A lieu la première élection multipartite depuis l’indépendance. Néanmoins celle-ci est entachée de nombreuses irrégularités. Dès lors, bien que Daniel Moi remporte les élections, beaucoup remettent en cause la légitimité de sa victoire. De nombreuses confrontations de nature ethnique et politique éclatent dans le pays donnant lieu à de nombreuses violations des droits humains notamment des meurtre et des viols massifs.
1997 : En décembre, de nouvelles élections présidentielles ont lieu. Le Président Moi est réélu. Ce vote est approuvé par les observateurs des élections malgré les preuves d’irrégularités électorales, de violences politiques et d’un cadre juridique favorable au gouvernement déjà en place. Des violences post-électorales, aux causes à la fois politiques et ethniques, éclatent de nouveau et entraînent de nombreux déplacements de populations.
2002 : Les élections présidentielles se tiennent le 27 décembre. Le Président sortant, Daniel Moi, ne peut se représenter ayant déjà effectué deux mandats. Mwai Kibaki est élu Président dans un contexte relativement calme.
2007 : Le président sortant, Mwai Kibaki, est déclaré vainqueur de la nouvelle élection présidentielle. Néanmoins, de nombreux kényans accusent des élections irrégulières et manipulées. Ces allégations sont confirmées par les observateurs internationaux qui qualifient ces élections de « profondément imparfaite ». De nombreuses manifestations se mettent en place dans le pays. En parallèle, de nombreuses violences éclatent et les pillages et saccages se multiplient.
2008 : Le 28 février, est signé un accord de partage du pouvoir appelé Loi sur l’accord national et la réconciliation. Cela met fin aux violences post-électorales.
Le Parlement adopte une loi créant la Commission Vérité, Justice et Réconciliation afin de faire la lumière sur les différentes violations des droits humains commises depuis 1863, promouvoir la réconciliation et l’union du peuple ainsi qu’éviter la répétition de telles violences.
2012 : La Commission rend son rapport final divisé en 4 volumes.
La Commission en détails
Création : 2009 / Début des audiences : janvier 2010
Dissolution : 2012
Base juridique : Loi relative à la Commission vérité, Justice et Réconciliation de 2008 (Truth, Justice and Reconciliation Commission Bill, 2008)
Composition :
(1) La Commission est composée de neuf commissaires, dont-
(a) trois ne sont pas des citoyens kényans, dont au moins un de sexe opposé, sélectionnés par le panel d’éminentes personnalités africaines ; et
(b) six sont des citoyens du Kenya sélectionnés par le panel de sélection conformément à la procédure prescrite dans la première annexe.
(2) Les commissaires nommés en vertu du paragraphe (1) (a) sont sélectionnés par le Groupe d’éminentes personnalités africaines et transmis à l’Assemblée nationale qui transmet les noms des candidats au Président pour nomination.
Bethuel Kiplagat (Président), Tecla Namachanja Wanjala (Vice Président), Ahmed Sheikh Farah, Berhanu Dinka, Gertrude Chawatama, Margaret Shava, Ronald Slye et Tom Ojienda.
Mandat : Promouvoir la paix, la justice, l’unité nationale, la guérison et la réconciliation au sein du peuple kényan et faire la lumière sur les violations graves des Droits de l’Homme commises au Kenya entre 1963 à 2008.
Compétences : Le mandat détaille les compétences de la Commission, dont :
(a) enquêter sur les violations et les abus des droits de l’homme relatifs aux meurtres, enlèvements, disparitions, détentions, tortures, mauvais traitements et expropriations de biens subis par toute personne entre le 12 décembre 1963 et le 28 février 2008 ;
(b) enquêter sur le contexte, les causes et les circonstances dans lesquelles les violations et les abus se sont produits et identifier les individus, les institutions publiques, les organismes, les organisations, les titulaires de charges publiques, l’État, les acteurs étatiques ou les personnes prétendant avoir agi au nom d’un organisme public, responsables ou impliqués dans les violations et les abus ;
(c) identifier et préciser les victimes des violations et abus et formuler des recommandations appropriées en vue de leur réparation ;
(d) enquêter et déterminer si les violations et abus ont été délibérément planifiés et exécutés par l’État ou par toute personne visée au paragraphe (k) (ii) ;
(e) mener des enquêtes en rapport avec son travail et ou demander l’assistance de la police et de toute institution, organisme ou personne publique ou privée aux fins d’une enquête ;
(f) identifier toute personne qui devrait être poursuivie pour être responsable ou impliquée dans des violations et abus des droits de l’homme et des droits économiques ;
(g) enquêter sur les crimes économiques ;
(h) enquêter sur les crimes de nature sexuelle commis à l’encontre de victimes féminines et leur offrir une réparation ;
(i) éduquer et faire participer le public et donner une publicité suffisante à ses travaux afin d’encourager le public à contribuer positivement à la réalisation des objectifs de la Commission ;
(j) enquêter sur toute autre question qui, selon elle, nécessite une enquête afin de promouvoir et de réaliser la réconciliation nationale ;
(k) faire des recommandations en ce qui concerne :
(i) la politique qui devrait être suivie ou les mesures qui devraient être prises en ce qui concerne l’octroi de réparation aux victimes ou la prise d’autres mesures visant à réhabiliter et à restaurer la dignité humaine et civile des victimes ;
(ii) la poursuite des personnes responsables ou impliquées dans les violations et les abus des droits de l’homme et des droits économiques ;
(l) faire des recommandations concernant la création d’institutions propices à une société stable et équitable et les mesures institutionnelles, administratives et législatives qui devraient être prises ou introduites afin de prévenir la violation des droits de l’homme ;
(m) examiner les rapports des commissions d’enquête pertinentes et faire des recommandations sur la mise en œuvre de ces rapports ;
(n) enquêter sur les crimes économiques, y compris la grande corruption et l’exploitation des ressources naturelles ou publiques, et sur les mesures prises, le cas échéant, à cet égard ;
(o) enquêter sur l’acquisition irrégulière et illégale de terres publiques et faire des recommandations sur la reprise de ces terres ou le règlement des affaires y afférentes ;
(p) enquêter et établir la réalité ou non de la marginalisation économique perçue des communautés et faire des recommandations sur la manière de traiter cette marginalisation ;
(q) enquêter sur l’utilisation abusive des institutions publiques à des fins politiques ;
(r) enquêter sur les actes de répression de l’État, y compris la torture, la cruauté et les traitements dégradants pour des objectifs politiques ;
(s) enquêter sur les causes des tensions ethniques et faire des recommandations sur la promotion de la guérison, de la réconciliation et de la coexistence entre les communautés ethniques ; et
(t) enquêter sur le lieu où se trouvent les victimes et restaurer la dignité humaine et civile de ces victimes en leur donnant la possibilité de raconter leurs propres récits des violations dont elles sont victimes, et recommander des mesures de réparation à l’égard des victimes.
Conclusions et recommandations
La Commission a rendu son rapport final en 2013. Il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes :
Conclusions :
– Entre 1895 et 1963, l’administration coloniale britannique au Kenya a été responsable de violations flagrantes, indicibles et horribles des droits de l’homme. Afin d’établir son autorité au Kenya, le gouvernement colonial a utilisé la violence sur la population locale à une échelle sans précédent. Ces violences comprenaient des massacres, des tortures et des mauvais traitements ainsi que diverses formes de violences sexuelles.
– L’administration coloniale britannique a adopté une approche consistant à diviser pour mieux régner sur la population locale, ce qui a créé une dynamique négative d’ethnicité, dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Dans le même temps, l’administration coloniale a aliéné de grandes quantités de terres hautement productives à la population locale et a éloigné des communautés de leurs terres ancestrales.
– Entre 1963 et 1978, le président Jomo Kenyatta a présidé un gouvernement responsable de nombreuses violations flagrantes des droits de l’homme. Ces violations comprenaient :
- Dans le cadre de la guerre de Shifta, des meurtres, des tortures, des punitions collectives et le déni des besoins fondamentaux (nourriture, eau et soins de santé) ;
- les assassinats politiques de Pio Gama Pinto, Tom Mboya et J.M. Kariuki ;
- la détention arbitraire d’opposants et de militants politiques ; et
- l’acquisition illégale et irrégulière de terres par les plus hauts responsables du gouvernement et leurs alliés politiques.
– Entre 1978 et 2002, le président Daniel Arap Moi a présidé un gouvernement responsable de nombreuses violations flagrantes des droits de l’homme. Ces violations comprennent :
- des massacres ;
- des détentions illégales, des actes de torture et des mauvais traitements systématiques et répandus de militants politiques et de défense des droits humains ;
- assassinats, dont celui du Dr Robert Ouko ;
- l’attribution illégale et irrégulière de terres
- les crimes économiques et la grande corruption.
– Entre 2002 et 2008, le président Mwai Kibaki a présidé un gouvernement responsable de nombreuses violations flagrantes des droits de l’homme. gouvernement responsable de nombreuses violations flagrantes des droits de l’homme. Ces violations comprennent :
- des détentions illégales ;
- des exécutions extrajudiciaires ; et
- les crimes économiques et la grande corruption
– Les agences de sécurité de l’Etat, en particulier la Police du Kenya et l’armée kenyane, ont été les principaux auteurs de violations de l’intégrité corporelle des droits de l’homme au Kenya, notamment les massacres, les disparitions forcées, la torture et les mauvais traitements, et les violences sexuelles.
– Le nord du Kenya (composé de l’ancienne province du nord-est du Nord-Est, de l’Upper Eastern et du Rift du Nord) a été l’épicentre de violations flagrantes des droits des droits de l’homme par les agences de sécurité de l’État. Presque sans exception, les opérations de sécurité de sécurité dans le nord du Kenya se sont accompagnées de massacres de citoyens largement innocents, de torture systématique et généralisée, de viols et de violences sexuelles à l’encontre des femmes, le pillage et l’incendie de biens, l’abattage et la confiscation de bétail et d’autres animaux d’élevage.
– La Commission constate que les agences de sécurité de l’État ont systématiquement pour faire face au banditisme et maintenir la paix et l’ordre utilisé des punitions collectives contre des communautés, indépendamment de la culpabilité ou de l’innocence de leurs membres individuels de ces communautés.
– Pendant la période du mandat, l’État a adopté des politiques économiques et autres qui ont abouti à la marginalisation économique de cinq régions clés du pays : Nord-Est et Haut-Est, Côte, Nyanza, Ouest et Rift Nord. Rift Nord.
– Les griefs historiques concernant la terre constituent le principal moteur des conflits et des tensions ethniques au Kenya. Près de 50 pour cent des déclarations et mémorandums reçus par la Commission concernaient ou touchaient des revendications foncières.
– Les femmes et les filles ont fait l’objet d’une discrimination systématique sanctionnée par l’État. Bien que la discrimination à l’égard des femmes et des filles soit enracinée dans des pratiques culturelles patriarcales, l’État n’a traditionnellement pas réussi à mettre un frein aux pratiques traditionnelles néfastes qui affectent la jouissance des droits humains par les femmes.
– En dépit du statut spécial accordé aux enfants dans la société kenyane, ils ont été soumis à des atrocités indicibles et innombrables, notamment des meurtres, des agressions physiques et des violences sexuelles.
– Les groupes minoritaires et les populations autochtones ont subi une discrimination systématique sanctionnée par l’État pendant la période du mandat. En particulier, les groupes minoritaires ont souffert de discrimination en matière de participation politique et l’accès aux cartes d’identité nationales. Les autres violations subies par les groupes minoritaires et les populations indigènes incluent : des punitions collectives et la violation des droits fonciers et du droit au développement.
Recommandations :
– La Commission recommande que le Président, dans un délai de six mois après la publication de ce rapport, présente des excuses publiques et inconditionnelles au peuple kenyan pour toutes les injustices et violations flagrantes des droits de l’homme commises pendant la période du mandat.
– La Commission recommande que les agences de sécurité de l’État, et en particulier la la police kenyane, les forces de défense kenyanes et le service national de renseignement présentent des excuses pour les violations flagrantes des droits de l’homme commises par les agences qui les ont précédées entre le 12 décembre 1963 et le 28 février 2008, en particulier les exécutions extrajudiciaires, les actes extrajudiciaires, de détention arbitraire et prolongée, de torture et de violences sexuelles.
– La Commission recommande au gouvernement kenyan d’envisager d’entamer des négociations avec le gouvernement britannique en vue d’obtenir des compensations victimes d’atrocités et d’injustices commises pendant la période coloniale par des agents de l’administration agents de l’administration coloniale. Cela devrait être fait dans les 12 mois suivant la publication du présent rapport.
– La Commission recommande que le gouvernement britannique présente des excuses publiques et inconditionnelles au peuple kenyan pour toutes les injustices et violations flagrantes des droits de l’homme commises par l’administration coloniale entre 1895 et 1963.
– La Commission recommande que le pouvoir judiciaire présente des excuses au peuple kenyan pour ne pas avoir réussi à lutter efficacement contre l’impunité et à jouer son rôle de dissuasion pour empêcher la perpétration de violations flagrantes des droits de l’homme, entre le 12 décembre 1963 et le 28 février 2008.
– La Commission recommande la création d’une Journée nationale des droits de l’homme le 10 décembre, pour coïncider avec la Journée internationale des droits de l’homme. Cette journée sera utilisée pour promouvoir le respect des droits de l’homme au Kenya.
– La Commission recommande au pouvoir judiciaire d’accélérer la mise en place de la division des crimes internationaux de la Haute Cour, qui sera chargée de juger certaines des affaires transmises au directeur du ministère public pour enquête et poursuites.
– La Commission recommande d’accélérer la promulgation de lois relatives aux droits de l’homme, comme le prévoit la Constitution du Kenya, notamment en ce qui concerne la liberté des médias, l’équité des procès et les droits des personnes en garde à vue ou détenues.
– La Commission recommande au gouvernement de faire une déclaration en vertu de l’article 34(6) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à la création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, permettant ainsi aux victimes individuelles de violations des droits de l’homme qui ont épuisé les voies de recours locales d’accéder directement à la Cour africaine.
– La Commission recommande au ministère de la Justice d’accélérer l’extension du système national d’aide juridique pour couvrir les victimes de violations des droits de l’homme. le système national d’aide juridique afin de couvrir l’ensemble du pays.
mesures post recommandations
En 2015, le président Kenyatta, au nom du gouvernement kenyan et du pays, a officiellement reconnu et présenté des excuses pour les violations subies par la plupart des Kenyans, y compris les nombreux massacres perpétrés par l’État. Le président de la Cour suprême de l’époque, Willy Mutunga, s’est joint aux excuses pour les crimes d’État. Pour autant, durant ces excuses publiques, aucune référence à la Commission ou ses recommandations n’a été faite.
Mis à part cette réparation symbolique, aucune des recommandations faites par la Commission n’a été suivie par le gouvernement kényan. Aucune des personnes identifiées comme responsables de crimes graves, y compris certains des pires massacres de l’histoire du Kenya, n’a fait l’objet d’une enquête, et encore moins de poursuites. Peu d’individus, et aucun des principaux responsables, ont été poursuivis ou tenus pour responsables.
prise en compte des violences sexuelles
Dans son mandat, la Commission voit notamment inscrit “(h) enquêter sur les crimes de nature sexuelle commis à l’encontre de victimes féminines et leur offrir une réparation”. Dès lors, la Commission s’est attachée à porter une attention particulière aux violences sexuelles perpétrées. Le rapport final contient ainsi une partie dédiée aux violences sexuelles.
La Commission a fait les conclusions suivantes concernant les violences sexuelles commises :
– Des violences sexuelles ont été commises tout au long de la période du mandat, notamment des viols collectifs, des sodomies, des souillures, de l’esclavage sexuel, des agressions sexuelles et des tortures, ainsi que des circoncisions forcées et autres mutilations des organes sexuels. La Commission constate que les cas de violence sexuelle ont augmenté pendant les périodes de conflit. Les auteurs ont profité de l’effondrement de l’ordre social, de l’augmentation des conflits armés, ainsi que de l’anarchie générale pour commettre des violences sexuelles en toute impunité.
– Dans la plupart des cas, les victimes ont été attaquées sur la base de l’ethnicité et d’affiliations politiques supposées. De nombreuses personnes auraient été violées pour leur appartenance à des groupes ethniques qui auraient soutenu les » mauvais » partis politiques.
– Les cas de violence sexuelle ne sont généralement pas signalés. Les victimes invoquent des raisons telles que la stigmatisation, les tabous culturels qui les empêchent de tabous culturels qui les empêchent de parler de sexe et encore moins de violation sexuelle ; le harcèlement par des officiers de police hostiles ou désintéressés ; les menaces des auteurs et l’absence de lignes de signalement claires, entre autres. Lorsque les violences sexuelles ont été commises par des officiers de police, les victimes victimes craignaient de rencontrer leurs agresseurs au poste de police et n’ont donc souvent pas signalé la violation.
– La Commission constate que des violences sexuelles ont été commises au domicile des personnes, au bord de la route lorsque les victimes tentaient de fuir les violences, dans les lieux de détention, notamment les commissariats de police et les prisons, les centres d’interrogatoire et les camps de déplacés où les victimes se sont réfugiées à la suite du conflit.
– La Commission constate que les violences sexuelles à l’encontre des femmes étaient endémiques lors des expulsions forcées menées par l’État et/ou ses agents. Dans un cas particulier, la Commission a reçu une trentaine de déclarations de femmes qui ont été violées à Kitui lors d’une expulsion appelée « opération Kavamba « .
– La Commission estime qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve impliquant des soldats britanniques pour le viol et la violation sexuelle de femmes à Samburu et à Laikipia entre les années 1980 au début de l’an 2000. En octobre 1997, par exemple, des soldats rattachés au régiment britannique des Gurkhas ont violé des femmes.
– La Commission constate que le gouvernement kényan ne s’est ni engagé, à ni fait preuve de volonté politique pour enquêter sur les allégations de viols et de violences sexuelles commis par des soldats britanniques stationnés au Kenya pour une formation militaire.
Concernant les auteurs des violences sexuelles, la Commission déclare qu’ils comprenaient “des agents de sécurité de l’État, des citoyens ordinaires, des membres de milices organisées, ainsi que des soldats britanniques stationnés au Kenya à des fins de formation”, et plus précisément que “la majorité des violences sexuelles commises pendant le conflit l’ont été par des agents de sécurité de l’État, principalement par la General Service Unit (GSU), la police kényane, la police administrative, la Anti Stock Theft Unit, ainsi que par l’armée kényane”.
La Commission constate également que “les agents de sécurité ont utilisé la violence sexuelle comme une arme pour terroriser, supprimer, intimider et humilier les communautés”.
Pour finir, la Commission se désole qu’en “dépit des preuves de violences sexuelles perpétrées par des agents de par des agents de sécurité de l’État au cours d’opérations de sécurité, il n’y a eu que peu, voire pas, d’enquêtes, encore moins de poursuites à l’encontre des responsables”, notamment du fait que les agents “ont fait échouer les efforts visant à enquêter ou à poursuivre leurs collègues en justice, favorisant ainsi une culture de l’impunité.”
Concernant les victimes, la Commission constate que “contrairement à la croyance traditionnelle selon laquelle les femmes et les filles sont les seules victimes de la violence sexuelle, les hommes et les garçons ont également été ciblés”, malgré leur faible signalement.
La Commission insiste sur les nombreuses et graves conséquences des violences sexuelles sur les victimes. Elle évoque également les traumatismes engendrés pour les enfants issus des viols, d’autant plus accru pour les enfants métis.
S’agissant de l’accès à la justice, la Commission constate “l’absence de mise en œuvre complète (des instruments juridiques internationaux et des législations nationales relatives aux violences sexuelles) a non seulement a non seulement laissé de nombreux Kenyans exposés aux violences sexuelles, mais a également privé les victimes de ces violences d’accéder à la justice.”
De même, la Commission dénonce le manque d’accès aux soins pour les victimes de violences sexuelles, notamment pour les soins d’urgence.
Par conséquent, la Commission fait les recommandations suivantes en matière de violences sexuelles :
– La Commission recommande que le Président, dans un délai de trois mois à compter de la publication de ce rapport, reconnaisse et présente des excuses publiques et inconditionnelles pour les actes de violences sexuelles commises par les agences de sécurité de l’État lors d’opérations de sécurité et d’autres d’autres périodes de violence généralisée telles que les violences post-électorales de 2007/2008.
– La Commission recommande l’établissement d’un centre de rétablissement pour la violence sexuelle dans chaque comté. Ce centre servira de guichet unique pour la fourniture de services complets aux victimes et aux survivants de violence sexuelle, y compris des services médicaux et de conseil. Des enquêteurs formés aux enquêtes sur les violences sexuelles doivent également être stationnés en permanence dans un tel centre. En ce qui concerne cette recommandation, les gouvernements peuvent emprunter les bonnes pratiques et les leçons de des centres de soins thuthuzela d’Afrique du Sud et de l’hôpital pour femmes de Nairobi.
– La Commission recommande la mise en place de réparations pour les victimes et les survivants de victimes et survivants de violences sexuelles, conformément au cadre de réparation proposé par la Commission.
– La Commission recommande la mise en place du Bureau du Rapporteur spécial sur la violence sexuelle, tel que recommandé par la Commission d’enquête sur les violences post-électorales. Cela doit être fait dans les 12 mois suivant la publication du présent rapport.
– La Commission recommande que la Commission nationale des services de police formule un nouveau code de conduite et d’éthique pour le service national de la police, conforme aux valeurs et aux principes constitutionnels, et définissant les mesures disciplinaires et de responsabilité en cas de non-respect de ce code.
– La Commission recommande que des poursuites soient engagées contre Nganda Nyenze qui aurait planifié, supervisé ou aurait été impliqué de quelque manière que ce soit dans l’opération Kavamba au cours de laquelle des femmes ont été violées et/ou abusées sexuellement.
– La Commission recommande que le gouvernement britannique présente des excuses pour les violences sexuelles commises contre les femmes à Samburu et Laikipia par des soldats britanniques.
– La Commission recommande que le gouvernement kenyan envisage d’entamer des négociations avec le gouvernement britannique en vue d’obtenir une compensation pour les victimes de violences sexuelles commises par des soldats britanniques à Samburu et Laikipia.