Nigeria

Commission d’Enquête sur les Violations des Droits de l’Homme

Après son indépendance, le Nigéria a fait face à plusieurs coups d’État aboutissant à des dictatures militaires et à de nombreux conflits internes. Le pays a été divisé selon des lignes religieuses et ethniques qui ont conduit à des massacres de masse et finalement à une guerre civile, la guerre du Biafra. De 1966 à 1999, le Nigéria a ainsi été la scène de nombreuses violations des droits humains. 

En 1999, le gouvernement de Obasanjo vote pour la création de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme connue sous le nom de « Panel Oputa » pour enquêter sur les violations des droits de l’homme commises durant ces différentes dictatures et multiples conflits. 

Le rapport final de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme a été soumis au Président Olusegun Obasanjo en juin 2002, mais il n’a jamais été officiellement rendu public. En janvier 2005, l’ONG Nigerian Democratic Movement, basée à Washington, et le Forum de la société civile, basé au Nigéria, ont pris l’initiative de publier officieusement le rapport complet de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme.

Chronologie

1960 : Le Nigéria obtient son indépendance, met en place une République et adopte une nouvelle constitution. La première constitution républicaine laisse le pays dans le Commonwealth.

1966 – 1975 : Le président Azikiwe est renversé par un coup d’État mené par le général Johnson Aguiyi-Ironsi. Ce dernier veut abolir le système fédéral et créer un Etat unitaire. Des tensions violentes ont lieu dans les régions. Aguiyi-Ironsi est assassiné par des officiers du Nord, Yakubu Gowon est porté au pouvoir pour restaurer le caractère fédéral. Mais le projet du gouvernement fédéral de diviser la région de l’Est, à majorité Ibo, en trois États, privant les Ibos de débouchés sur l’océan et des gisements pétrolifères, provoque la sécession et la guerre du Biafra qui, de 1967 à 1970, fait plus d’un million de tués.

1975 – 1983 : Retour succinct à la démocratie avec la deuxième République et l’adoption d’une nouvelle constitution plus démocratique. Shehu Shagari arrive au pouvoir par des élections démocratiques mais la chute des prix du pétrole et la corruption entraînent le Nigéria dans une grave récession. Le pays expulse plus de 2 millions de travailleurs étrangers (Ghanéens, Béninois, Togolais,…). La crise économique entraîne un nouveau coup d’État militaire.

1983 – 1993 : Suite au coup d’Etat, un régime militaire est remis en place, annulant plusieurs scrutins. Cette période est marquée par de nombreuses luttes, notamment syndicales, pour le retour à la démocratie. 

1991 : Abuja devient la capitale fédérale du pays.

1993-1998 : Après un bref intermède appelé Troisième République, le général Sani Abacha prend le pouvoir. Il met en place une dictature militaire.

En 1995, suite à l’exécution de l’écrivain Ken Saro-Wiwa, qui milite contre l’exploitation pétrolière dans le delta du Niger, destructrice de l’environnement et des ressources de la population ogoni, et de huit autres responsables ogoni au terme d’un procès inique. Le Commonwealth condamne l’exécution, la dictature et suspend le Nigéria.

1998 : À la mort soudaine du dictateur, Abdulsalami Abubakar prend le pouvoir et rétablit la constitution de 1979.

1999  : Promulgation d’une nouvelle constitution qui instaure la IVe République. De nouvelles élections sont organisées et mettent au pouvoir Obasanjo. La présidence d’Obasanjo qui effectue deux mandats (1999-2007) est marquée par le développement économique mais aussi par de nombreuses tensions ethniques, religieuses et sociales. Entre 1999 et 2002, l’adoption de la charia, la loi islamique, dans plusieurs États du Nord, entraîne des émeutes entre chrétiens et musulmans qui font plusieurs milliers de victimes.

Création de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme commises entre le 15 janvier 1966 et le 28 mai 1999.

2002 : La Commission  rend son rapport final en juin, mais il n’est pas rendu public. Le rapport sera finalement publié officieusement en janvier 2005, par l’ONG Nigerian Democratic Movement et le Forum de la société civile. 

La Commission en détails

Création : 14 juin 1999

Dissolution : mai 2002

Base juridique : Instrument n° 8 de 1999

 

Composition :  La Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme était composée de huit commissaires : six hommes et deux femmes. Les membres ont été nommés par le Président.

Chukwudifu A. OPUTA (Président), Mudiaga ODJE (Vice Président), Matthew Hassan KUKAH, Bala NGILARI, Elizabeth PAM, Modupe AREOLA, Alhaji Adamu Lawal BAMALLI, Nu’uman DAMBATA.

 

Mandat : La Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme a été créée pour établir les causes, la nature et l’étendue des violations des droits de l’homme – en particulier les assassinats et les tentatives d’assassinat – entre le 15 janvier 1966 et le 28 mai 1999, pour identifier les auteurs (individus ou institutions), déterminer le rôle de l’État dans les violations et recommander des moyens de poursuivre la justice et prévenir de futurs abus. La commission a d’abord été invitée à enquêter sur la période de 1984 à mai 1999, couvrant quatre gouvernements militaires, mais cette période a ensuite été prolongée jusqu’en 1966, l’année du premier coup d’État militaire du Nigeria après l’indépendance.

 

Compétences : Le document fondateur de la Commission n’a pu être trouvé. 

Conclusions et recommandations

La commission a reçu environ 10 000 témoignages de violations des droits humains et a mené des audiences publiques dans tout le Nigeria. Sur ce nombre, environ 150 affaires ont été entendues, tandis que la plupart des autres ont été envoyées à une commission ministérielle pour arbitrage.

La Commission a rendu son rapport final en juin 2002, mais il n’a jamais été officiellement rendu public. Le rapport a finalement été publié officieusement en janvier 2005, par l’ONG Nigerian Democratic Movement et le Forum de la société civile. Le rapport contient notamment les conclusions et les recommandations suivantes : 

 

Conclusions : 

– L’armée nigériane est responsable de violations flagrantes des droits de l’homme.

– Outre l’élite militaire, la commission a mentionné la collaboration de civils puissants et riches dans la préparation de nombreux coups d’État.

– Le rapport de la commission indique également que certains procureurs d’État des ministères de la Justice ont violé les droits fondamentaux à une procédure régulière en tentant de protéger les accusés dans certains cas spécifiques et nommés.  

 

Recommandations : La Commission a notamment fait les recommandations suivantes : 

– une lutte contre la corruption, une réduction drastique des forces armées, une révision des procédures disciplinaires internes des forces de sécurité et une réforme du renseignement militaire, de la police et des institutions universitaires.

– que les victimes de violations des droits de l’homme reçoivent une indemnisation.

– une large consultation de la société civile sur la structure constitutionnelle du Nigéria, l’amélioration de l’éducation aux droits de l’homme, un moratoire sur la création de nouveaux États, davantage de gouvernements locaux pour éviter la corruption et la fragmentation du système politique.

– l’allocation de fonds au Ministère de la condition féminine, la diffusion large du rapport et que le gouvernement surveille de près les conditions sociales, politiques et environnementales dans le pays. 

mesures post recommandations

Peu des recommandations faites par la commission ont été mises en œuvre. 

Environ 35 cas d’abus ont été transmis à l’Inspecteur général pour qu’une unité spéciale d’enquête de la police poursuive ses travaux.

Bien qu’il ne soit pas directement lié au travail du Groupe d’Oputa, le Président Obasanjo a autorisé en 1999 la libération des corps du militant des droits de la minorité ogoni Kenule Saro Wiwa et de huit autres personnes pendues à la suite d’un processus judiciaire défectueux et enterrées dans des tombes secrètes.

Le 29 novembre 2007, le gouverneur Rotimi Amaechi a inauguré une Commission vérité et réconciliation dans l’État de Rivers, chargée de « déterrer les causes lointaines et immédiates des affrontements sectaires dans l’État de Rivers », et d’identifier les auteurs et les victimes dans l’espoir de poursuivre en justice les auteurs et d’accorder une indemnisation aux victimes.

prise en compte des violences sexuelles

La Commission ne fait que peu références aux violences sexuelles dans son rapport. Pourtant la commission déclare clairement que “Les soldats fédéraux ont également commis des abus sexuels, des viols et des mariages forcés dans l’État de Cross River pendant la guerre.”

Par ailleurs, elle évoque une autre problématique liée aux violences sexuelles, que néanmoins elle ne développe pas dans la suite du rapport : “La dernière dimension des violations des droits de l’homme est l’effet social des activités des multinationales du pétrole dans la région. En raison de la structure salariale déséquilibrée dans laquelle les travailleurs du pétrole de la région gagnent des « salaires anormaux » qui ne correspondent pas à la structure salariale ou aux niveaux de revenus de la communauté, des vices sociaux tels que la prostitution se répandent parmi les habitants locaux qui fournissent des services sexuels aux riches travailleurs du pétrole.” 

documents complémentaires

médiathèque audiovisuelle

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