Uruguay

Commission pour la paix

L’Uruguay a connu de 1973 à 1985 une dictature militaire sous l’autorité de Juan María Bordaberry. Ce régime s’est rendu coupable de nombreuses violations des droits de l’homme dont de nombreux cas de torture, d’assassinats et de disparitions forcées, notamment à l’encontre de ses opposants politiques. Ce régime a également participé à l’opération Condor en place en Amérique latine à cette époque-ci. 

Bien que deux commissions d’enquête aient été créées en avril 1985 pour examiner les abus survenus sous les régimes militaires de 1973 à 1985, aucune réponse officielle n’a suivi. 

En 2000, sous la présidence de Jorge Batlle, élu en 1999, une résolution est adoptée pour l’établissement d’une Commission pour la paix visant à éclaircir les violations des droits de l’homme commises sous la dictature, notamment les cas de disparitions forcées. La commission a rendu son rapport en avril 2003. Celui-ci a été reconnu par le gouvernement uruguayen.

Chronologie

1973 : Le 27 juin, une dictature débute après un coup d’Etat militaire. L’armée a dissous le Congrès et l’a remplacé par un Conseil de l’État, tout en maintenant Juan María Bordaberry dans ses fonctions de chef de l’État. Ce dernier suspend la Constitution et dirige le régime dictatorial sous haute surveillance de l’armée. De nombreuses violations des droits de l’homme sont commises dont de nombreux cas de torture, d’assassinats et de disparitions forcées, notamment à l’encontre de leurs opposants politiques. La dictature instaure également une forte censure, de nombreux artistes et intellectuels décident ainsi de fuir le pays. 

Durant ce régime,  les services de sécurité uruguayens prennent part à l’opération Condor, dont le but était d’empêcher par tous les moyens possibles, incluant l’assassinat, l’essor du communisme en Amérique latine.

1975 : D’octobre 1975 à juin 1976, une opération, dite opération Morgan, est mise en œuvre contre les militants communistes présents en Uruguay et en Argentine. De nombreux militants sont espionnés, torturés et assassinés. 

1976 : Le 12 juin, Bordaberry est renversé par Alberto Demicheli, président du Conseil de l’État qui est lui-même écarté par Aparicio Méndez le 1er septembre de la même année.

1980 : L’armée souhaite se légitimer en organisant un plébiscite visant à réformer la Constitution. Celui-ci est rejeté par 57,2 % de la population le 30 novembre. Suite à ce résultat, les militaires entamèrent une relative ouverture politique. 1 an plus tard, Gregorio Álvarez Armelino prend le pouvoir et ouvre la voie à une transition démocratique. Son régime continue tout de même la répression contre les mouvements sociaux; des disparitions forcées ne cessent pas avant 1984. 

1984 : Des élections sont finalement organisées. Elles sont emportées par Julio María Sanguinetti. 

1985 : En avril, deux commissions d’enquête sont créées pour examiner les abus survenus sous les régimes militaires de 1973 à 1985. La Commission d’enquête sur la situation des disparus et les événements connexes a transmis son rapport aux tribunaux ordinaires en novembre 1985, et un mois plus tôt, la Commission d’enquête sur l’enlèvement et l’assassinat des représentants nationaux Zelmar Michelini et Hector Gutierrez Ruiz a rendu ses conclusions. Aucun des rapports de ces commissions n’a reçu de réponse officielle. 

1986 : Le Conseil de sécurité nationale est abrogé en avril. En décembre, une loi d’amnistie est votée. Celle-ci subordonne toute poursuite judiciaire à l’autorisation de l’exécutif.

2000 : Sous la présidence de Jorge Batlle, élu en 1999, une résolution est adoptée pour l’établissement d’une Commission pour la paix visant à éclaircir les violations des droits de l’homme commises sous la dictature. 

2003 : La Commission rend son rapport final le 10 avril. 

La Commission en détails

Création : Août 2000 

Dissolution : Août 2002 

Base juridique : Résolution de la Présidence de la République n° 858/200, 9 août 2000

Composition : La commission était composée de six membres, tous des hommes, et était présidée par l’archevêque Nicolas Cotungo.

Mandat : La Commission pour la paix devait enquêter sur le sort des personnes disparues en Uruguay entre 1973 et 1985, conformément à la loi d’amnistie de 1986, qui obligeait le gouvernement à enquêter sur le sort des quelque 200 personnes disparues.

Compétences : Le rapport final résume les missions de la Commission comme suit : 

“La mission assignée à la Commission était de « recevoir, analyser, classer et compiler des informations sur les disparitions forcées survenues pendant le régime de facto », conformément aux dispositions de l’article 1 de la résolution Nº 858/2000 précitée. 1 de la résolution Nº 858/2000 susmentionnée.

Pour mener à bien cette tâche, la Commission s’est vu accorder « les pouvoirs les plus étendus pour recevoir des documents et des témoignages », lui imposant le devoir de « maintenir une stricte confidentialité sur ses actions », ainsi que de garder « une confidentialité absolue » quant aux sources des informations obtenues.

Étant donné que la Commission a fonctionné dans l’orbite exclusive de la Présidence de la République, elle lui a soumis périodiquement les informations qu’elle a reçues, par le biais de rapports successifs sur l’état d’avancement des travaux, qu’elle a également rendus publics – avec le consentement préalable du Président – par le biais des médias, toujours dans la limite de la stricte confidentialité imposée par l’article 3 de la résolution susmentionnée.

De même, à chaque fois, et également par délégation expresse de la Présidence de la République, la Commission a informé verbalement les proches du détenu-disparu des informations obtenues, afin de ne pas retarder plus que nécessaire leur attente angoissée.”

conclusions et recommandations

La Commission a rendu son rapport final le 10 avril 2003. Il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

 

Conclusions : 

– Le rapport de la commission, remis à la Cour suprême, comprenait des informations sur le sort de 38 disparus, dont 32 Uruguayens et 6 Argentins.

– La commission a conclu que l’État avait abandonné les principes de l’État de droit et les droits de l’homme fondamentaux. La grande majorité des abus ont impliqué des agents de l’État.

– Dans la plupart des cas, les personnes disparues ont été détenues et torturées dans des installations non officielles. 

– Les exécutions extrajudiciaires étaient courantes, tandis que dans certains cas, les victimes sont mortes des suites de la torture et des mauvais traitements.

– La grande majorité des victimes ne participaient pas à des organisations subversives et ne s’engageaient pas dans des groupes militants. La date de leur décès indique que la majorité des victimes ont été tuées après que la sédition ait été brisée.

– La commission a découvert que de nombreux citoyens uruguayens ont été secrètement détenus, torturés et exécutés en Argentine. D’autres ont été détenus au Chili, au Paraguay, au Brésil, en Colombie et en Bolivie.



Recommandations : 

– La commission a recommandé la création d’un secrétariat de suivi (Secretaría de Seguimiento) afin de promouvoir les normes juridiques et de reconnaître le vide juridique concernant les citoyens disparus. Ce secrétariat a également été chargé de déterminer les critères des réparations monétaires et symboliques.

– Il a été demandé au Président de reconnaître officiellement les disparitions. 

– Le système éducatif doit analyser et se souvenir du passé et la réforme juridique mise en œuvre pour inclure les crimes internationaux dans la législation nationale.

mesures post recommandations

Le gouvernement a adopté les conclusions de la commission par le décret 448/2003, le 16 avril 2003. Par la suite, le président a créé une agence chargée de suivre, de répondre et de poursuivre le travail de la Commission pour la paix, et a lancé un programme de réparations. 

Néanmoins, l’armée n’a pas reconnu son rôle dans les disparitions ou la répression. Au contraire, 14 généraux de l’armée et le commandant en chef ont déclaré publiquement que le rapport était biaisé.

En 2006, l’ancien président Juan Maria Bordaberry a été arrêté en relation avec la mort d’opposants politiques survenue en 1976. Les tribunaux uruguayens ont approuvé le procès de l’ancien président et de son ministre des affaires étrangères.

En 2015, le président Tabaré Vazquez, a annoncé vendredi la mise en place d’une commission «Vérité et justice» pour prendre la suite des travaux de la première commission et faire la lumière sur le sort des disparus de la dernière dictature militaire. 

prise en compte des violences sexuelles

La Commission ne fait pas spécifiquement référence aux violences sexuelles dans son rapport.

documents complémentaires

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