Honduras

Commission Vérité et Réconciliation

Le 28 juin 2009, suite à un coup d’État des forces militaires, le Président hondurien Manuel Zelaya est destitué. Cet événement est immédiatement condamné par la communauté internationale. Dès le 30 octobre, est signé l’ »Accord pour la réconciliation nationale et le renforcement de la démocratie au Honduras ». Cet accord prévoyait, entre autres mesures, la création d’une commission de vérité. 

La Commission vérité et réconciliation a commencé ses travaux le 4 mai 2010. La commission avait un mandat de 8 mois mais qui fût ensuite. Elle a remis son rapport final, intitulé “Para que los hechos no se repitan” (en français : Afin que les événements ne se répètent pas) en juillet 2011.

Chronologie

28 juin 2009 : Le Président Manuel Zelaya est renversé par un coup d’Etat des forces armées honduriennes. Le Président évincé est soutenu par la communauté internationale, via l’ONU et l’OEA, et par de nombreux Etats dont les Etats Unis. 

Roberto Michelleti prend la tête de l’Etat et déclare le couvre-feu puis l’état d’urgence dès le 1er juillet. Le même jour, La Banque mondiale puis la Banque interaméricaine de développement suspendent leur aide au Honduras. 

De nombreuses manifestations se lèvent et perdurent durant le mois de juillet. La répression de ces mouvements fait de nombreux blessés et plusieurs morts. 

2 août 2009 : Le procureur général du Honduras inculpe Zelaya pour « trahison », « abus d’autorité », « usurpation de fonctions » et du délit commis à l’encontre de la forme du gouvernement. Dès le lendemain, Michelleti annonce que si Zelaya revient sur le territoire il sera directement arrêté. 

21 août 2009 : Au retour d’une délégation au Honduras, la Commission interaméricaine des droits de l’homme dénonce un « usage disproportionné » de la force par le gouvernement de facto, ainsi que des arrestations arbitraires, l’usage arbitraire du couvre-feu, des traitements inhumains et dégradants, de mauvaises conditions de détention ainsi que la mort de 4 personnes et les blessures infligées à d’autres. Elle rapporte également l’usage de la censure et de la désinformation par le gouvernement Micheletti.

21 septembre 2009 : Zelaya rentre au Honduras et se réfugie à l’ambassade du Brésil. Micheletti ordonne la fermeture des aéroports du pays et fait cerner l’ambassade brésilienne où l’eau et l’électricité sont coupées. L’État de siège est décrété. 

30 Octobre 2009 : L’Accord pour la réconciliation nationale et le renforcement de la Démocratie au Honduras est signé à Tegucigalpa. Celui-ci prévoit notamment le retour au pouvoir de Manuel Zelaya jusqu’à la fin de son mandat, sans donner de délai, et la création d’une Commission Vérité et Réconciliation.  

27 janvier 2010 : Organisation de nouvelles élections présidentielles. Porfirio Lobo Sosa est élu Président. Il signe aussitôt un décret (Decreto No. 2-2010), qui prévoit une amnistie générale pour les crimes liés au coup d’État.

4 mai 2010 : Début des travaux de la Commission Vérité Réconciliation du Honduras. 

Juillet 2011 : Remise du rapport final de la Commission intitulé “Para que los hechos no se repitan” (en français : Afin que les événements ne se répètent pas).

La Commission en détails

Création : 4 mai 2010 

Dissolution : 2011

Base juridique : Decreto Ejecutivo PCM 11-2010 (13 avril 2010)

 

Composition : Article 3 du décret : 5 commissaires : 3 membres étrangers + 2 membres honduriens. Les commissaires sont nommés par le Président par le décret exécutif PCM 01-2010.

Eduardo Stein (Président), Michael Kergin, María Zavala Valladares, Omar Casco et Julieta Castellanos. 

 

Mandat : Article 1 du décret : « clarifier les événements qui se sont produits avant et après le 28 juin 2009 au Honduras, dans le but d’identifier les actes qui ont conduit à la situation de crise et de fournir au peuple hondurien des éléments pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir »

 

Compétences : Article 10 du décret : 

– Établir son propre règlement intérieur. 

– Préparer et approuver son propre budget de recettes et de dépenses.

– Engager, de manière intérimaire et temporaire, le personnel d’assistance, de secrétariat, d’administration, de service, de sécurité et professionnel qu’elle juge nécessaire à la réalisation de ses objectifs.

– Passer des contrats, acquérir et louer les biens et services nécessaires à la gestion des ressources financières et à la responsabilité.

– Formuler des lignes directrices pour l’établissement d’une méthode d’enquête avec tous les secteurs politiques, institutionnels et de la société civile, les personnes physiques ou morales, nationales ou étrangères, pour établir les faits et les circonstances qui font l’objet du rapport final, afin de promouvoir et d’encourager la réconciliation et la compréhension entre les citoyens honduriens.

– Assurer la diffusion des lignes directrices de l’enquête de la Commission et de l’état actuel de ses activités par le biais de communiqués écrits et d’un portail Internet, afin de tenir informés le peuple hondurien et la communauté internationale.

– Publier un rapport qui fournit des éléments au peuple hondurien pour éviter des crises similaires ; formuler des recommandations constructives qui renforcent son institutionnalité et son développement démocratique, ainsi que la défense et la garantie des droits de l’homme.

– Recommander et proposer des méthodes pour assurer le suivi des éléments qui favorisent et encouragent la réconciliation au sein de la famille hondurienne.

– Rechercher le financement de ses activités auprès de sources internationales qui, sans aucune condition, souhaitent favoriser cet effort de réconciliation au sein de la famille hondurienne.

– Déterminer la portée temporelle de ses tâches de clarification, conformément à la teneur de l’accord susmentionné (avant et après le 28 juin 2009) en identifiant les informations de base liées à la crise politique susmentionnée, qui peut avoir eu lieu pendant la période de gouvernement du président Manuel Zelaya, en passant par les 7 mois suivant le 28 juin, jusqu’à l’inauguration du président Porfirio Lobo Sosa. Le calendrier précis de la clarification sera défini par les commissaires, en fonction de leur travail de reconstitution des événements à clarifier.

– Organiser une archive avec tous les éléments documentaires et audiovisuels recueillis dans le cadre de leurs tâches de reconstruction et d’éclaircissement, qui doivent être conservés en toute confidentialité pendant la durée de leur mandat.

conclusions et recommandations

Le Rapport final, intitulé Afin que les événements ne se répètent pas, a été rendu en juillet 2011 . Il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

 

Conclusions : 

– La répression des médias était systématique et le résultat d’une planification préalable.

– Les enquêtes menées par la CVR concluent que des agents de l’État hondurien ont violé le droit à la vie de 20 personnes, dont 12 ont été exécutées de manière extrajudiciaire par un usage disproportionné de la force et 8 par des assassinats sélectifs, entre le 28 juin 2009 et le 27 janvier 2010, pendant la crise politique du 28 juin.

– Les membres des institutions auxquelles appartiennent les auteurs présumés de violations du droit à la vie font systématiquement obstacle aux poursuites pénales.

– Les arrestations arbitraires ou illégales ont systématiquement touché les personnes participant à des manifestations politiques de soutien au président Zelaya, ainsi que celles connues comme des leaders politiques, sociaux ou des défenseurs des droits de l’homme. De nombreux étrangers, en particulier des Vénézuéliens, des Nicaraguayens et des Salvadoriens, ont également été touchés simplement parce qu’ils étaient étrangers.

– De nombreux témoignages reçus par les experts font référence à l’application de la torture et des traitements cruels comme une pratique acceptée et tolérée dans les procédures menées par la police nationale préventive.

 

Recommandations : 

Recommandations en matière constitutionnelle : Réglementation constitutionnelle de la mise en accusation ou la révocation des membres du pouvoir exécutif, Restriction des pouvoirs, droits et obligations des Forces Armées, Réforme concernant les “recours constitutionnels” ainsi que la restriction et de la suspension des droits fondamentaux, Renforcement des mécanismes de contrôle et d’équilibre…

Recommandations en matière de droits de l’homme : Adoption de mesures visant à satisfaire le droit à la justice, le droit à la réparation, le droit à la vérité, Respect des normes internationales…

Recommandations en matière de lutte contre la corruption : Améliorer la coordination inter-agences, Poursuite des enquêtes liées à de possibles actes de corruption commis sous l’administration de José Manuel Zelaya et Roberto Micheletti Baín liés à la crise du 28 juin 2009… 

Recommandations pour le renforcement de l’état de droit et de la démocratie durant une crise : Création d’un Conseil national de la magistrature, Transparence et légitimité de l’action judiciaire, Actions contre l’impunité.

Recommandations en matière de politique-électorale : Modification du système politique électoral, Changements au sein des partis politiques, Réforme du cadre institutionnel électoral.

Recommandations dans le domaine international : Améliorer les capacités de prévention des crises et de réaction rapide.

Recommandation en matière de médias sociaux : Révision de la Constitution en ce qui concerne la liberté d’expression conformément aux textes internationaux, Conclure dans les plus brefs délais les enquêtes en cours sur les crimes signalés contre des journalistes, Interdire la pratique des émissions radiophoniques et télévisées imposées par l’État, Promouvoir la liberté d’expression… 

Recommandation en matière de mémoire : Elaborer une politique de la mémoire de manière participative et consensuelle, Réaliser des exercices de narration partagée qui servent à interpréter les événements clés de la crise politique, à donner un sens à la crise et à clarifier les options pour l’avenir. 

mesures post recommandations

Le rapport a eu un impact limité auprès de la population au Honduras en raison de la méfiance à l’égard du président Lobo. 

Pour autant, le gouvernement, en octobre 2013, a déclaré s’être conformé à 32 des recommandations, être en train de se conformer à 37 autres.

En parallèle, les groupes de défense des droits de l’homme ont créé une commission non gouvernementale alternative : la Comisión de Verdad (CDV). Celle-ci est dirigée par de célèbres défenseurs des droits de l’homme, dont le prix Nobel de la paix Adolfo Perez Esquivel.

Le rapport de la CDV, rendu en octobre 2012, fait notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

Conclusions : 

– Le coup d’État constitue en soi une violation grave de l’ordre institutionnel établi, de la souveraineté du peuple hondurien et de ses droits fondamentaux à l’autodétermination et à la démocratie.

– La Commission a déterminé que les actions irrégulières attribuées à la police et aux militaires, non seulement sous le régime de facto de Roberto Micheletti Baín, mais aussi sous l’administration actuelle de Porfirio Lobo, faisaient et continuent de faire partie d’une politique d’État. 

– Depuis le coup d’État, malgré les preuves d’une multitude de violations des droits de l’homme, des libertés fondamentales et d’abus de pouvoir de la part des agents de l’État et, en particulier, des membres des forces de police et des forces armées, peu de procédures judiciaires ont été engagées à leur encontre et aucune condamnation n’a été prononcée.la Commission conclut qu’il existe une politique tout aussi grave et systématique de déni des droits de l’homme des victimes et de la société dans son ensemble à la justice. L’amnistie décrétée le 27 janvier 2010, dont les effets sont encore en vigueur aujourd’hui, est une manifestation de cette politique d’impunité 

Recommandations : 

– Enquêter et punir les personnes intellectuellement et matériellement responsables du coup d’État et des violations des droits de l’homme qui en ont résulté.

– Réparation des victimes : 

  • Création d’un Programme visant à garantir la dignité des personnes et de leurs familles victimes du coup d’État de 2009, ainsi que leur pleine réparation. Ce programme doit inclure : un éclaircissement historique des violations commises, un fond de compensation pour les victimes et une reconnaissance publique par l’Etat de la responsabilité de ses agents. 
  • Annulation de la loi d’amnistie du 27 janvier 2010. 
  • Retour des personnes politiquement persécutées et exilées en raison du coup d’État.
  • Révision des contenus des programmes d’enseignement de tous les niveaux qui font référence aux événements liés au coup d’État. 

 

– Reconfiguration de l’ordre juridique. 

– Réformer la loi primaire pour établir l’interdiction des pouvoirs d’interprétation de la Constitution pour le Congrès national.

– Créer la Cour constitutionnelle

– Garantir l’indépendance des juges 

– Modification du rôle du ministère public dans la poursuite de la criminalité

– Participation des organisations sociales à la sélection des dirigeants des institutions publiques.

– Démettre de leurs fonctions les fonctionnaires civils et militaires de l’administration impliqués dans les graves violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises depuis le coup d’État.

– Réadmettre dans le système d’administration de la justice les agents du système judiciaire écartés pour leur opposition au coup d’Etat.

– Promouvoir une révision de les doctrines par lesquelles les membres de l’institution militaire et policière sont formés.

– Remettre le dispositif de renseignement de l’État en conformité avec une vision humaniste.

– Mettre fin aux accords militaires et de sécurité avec le gouvernement américain.

– Faire prévaloir les normes internationales en matière de droits de l’homme et faciliter les enquêtes internationales concernant les violations des droits de l’homme commises en Honduras

– Mise en place d’un mécanisme mixte entre les représentants des institutions sociales et les institutions gouvernementales pour assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations faites par la Commission.

– Promouvoir un processus de transition démocratique. 

– Mettre en place des politiques qui favorisent la redistribution de la richesse nationale. 

– Mettre en œuvre un modèle politique participatif et une redistribution économique.

prise en compte des violences sexuelles

Le rapport final de la Commission fait référence à des violences sexuelles. Elle fait toutefois le choix de rattacher ces violences au droit à l’intégrité et à l’interdiction de la torture.

Ainsi de manière plus générale, concernant la torture elle fait les conclusions suivantes  : 

– “Les enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements et les mauvais traitements effectués par le ministère public sont confiés à une institution spécialisée de la police nationale, la Direction nationale des enquêtes criminelles. Cette unité spécialisée ne dépend pas du ministère public et a été accusée par les organisations de défense des droits de l’homme d’utiliser la torture comme mécanisme d’enquête. Ces deux circonstances contribuent à la réticence des victimes à porter plainte auprès du ministère public.  Le fait que ces enquêtes relèvent de la responsabilité d’un organe spécialisé au sein même de la police nationale compromet l’impartialité de l’enquête, puisqu’elle est exposée à promouvoir le comportement corporatif de ses agents.”

– “L’impunité généralisée pour les cas de torture qui se produisent depuis des décennies au Honduras est l’une des principales raisons pour lesquelles cette pratique s’est enracinée dans les forces de sécurité de l’État. L’absence d’enquêtes et de sanctions concernant la torture en a fait une pratique habituelle, tolérée et acceptée au sein des institutions chargées de prévenir et de combattre la criminalité.”

 

La commission rappelle également l’interdiction des violences sexuelles en citant la Convention américaine relative aux droits de l’homme, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée par les Nations Unies et la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’ élimination de la violence à l’ égard des femmes. 

Documents complémentaires

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