Tchad

Commission de Vérité

Après deux guerres civiles successives, le Tchad a connu une dictature sous le gouvernement de Hissène Habré. Ce régime autoritaire a entamé une campagne de répression généralisée caractérisée par des arrestations, des meurtres massifs et des persécutions de différents groupes ethniques. Hissène Habré est renversé en 1990 par un coup d’Etat mené par le Front Patriotique du Salut sous la direction de Idriss Déby et soutenu par la France, le Libye et le Soudan. 

Le nouveau gouvernement dirigé par Idriss Déby créé par décret, le 29 décembre 1990, la « Commission d’enquête sur les crimes et détournements commis par l’ex-Président, ses co-auteurs et/ou complices ». La Commission a rendu son rapport final en 1992.

Chronologie

1958 : Le Tchad obtient son autonomie et deux ans plus tard, le 11 août 1960, son indépendance. Une nouvelle Constitution est adoptée et mène à la création d’un régime présidentiel et à l’élection de François Tombalbaye qui devient le premier président du Tchad indépendant.

1962 : Le 19 janvier, François Tombalbaye instaure un parti unique. Après avoir écarté ses concurrents au sein de son propre parti le Parti progressiste tchadien, il décrète la dissolution de toutes les autres formations politiques. Le multipartisme ne sera réintroduit au Tchad qu’en 1990.

1965 : Début d’une révolte de peuples du Nord du pays, majoritairement musulmans, ayant pour but le renversement du régime de François Tombalbaye. Cela marque le début de la première guerre civile tchadienne. 

1966 : Le 22 juin, Ibrahim Abatcha crée depuis le Soudan le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), un mouvement armé qui lutte contre le régime sudiste accusé de discriminer les populations de l’est, du centre et du nord. 

1975 : Le chef d’Etat François Tombalbaye est renversé et assassiné le 13 avril 1975 dans des conditions jamais élucidées. Deux jours après, Félix Malloum, un général du sud du pays, devient président du Conseil supérieur militaire puis chef de l’Etat. 

1977 : Hissène Habré crée les Forces Armées du Nord (FAN), groupe tchadien découlant du Frolinat. 

1978 : Après plusieurs années de conflits entre le Sud et le Nord, Félix Malloum instaure un gouvernement bipartite et nomme le chef des Forces armées du nord (FAN), Hissène Habré, Premier ministre.

1979 : Le 12 février, des combats éclatent à N’Djamena entre les Forces Armées du Nord (FAN) et le FROLINAT dirigé par Goukouni Oueddei. C’est le début de la seconde guerre civile, dite guerre des Neuf-mois. Les combats cesseront avec l’intervention des troupes libyennes de Kadhafi au détriment de Hissène Habré. 

Le président Félix Malloum part s’exiler au Nigeria. Un Gouvernement d’union nationale et de transition (GUNT) présidé par Goukouni Oueddei, et dont Habré est ministre de la défense, est établi suite aux accords de Lagos.

1981 :  Kadhafi et Goukouni déclarent leur intention de fusionner la Libye et le Tchad. A la suite de cette déclaration, Ronald Reagan décide d’apporter un soutien aux troupes d’Habré. L’aide secrète américaine aux FAN conduit à la victoire de Hissène Habré, qui le 7 juin 1982, prend N’Djaména et le pouvoir. C’est la fin de la deuxième guerre civile.

Hissène Habré restera au pouvoir pour une période de 8 ans marquée par des violations graves et massives des droits de l’homme. En effet, à partir du moment de sa prise de pouvoir, Hissène Habré instaura une dictature caractérisée par des arrestations et meurtres massifs, des persécutions de différents groupes ethniques (les Sara et d’autres groupes sudistes en 1984 ; les Arabes ; les Hadjaraï en 1987 et les Zaghawa en 1989), de la torture, des morts en détention et de mauvais traitement des prisonniers de guerre.

1990 : Le 1er décembre, Hissène Habré est renversé par un coup d’Etat mené par le Front Patriotique du Salut sous la direction de Idriss Déby et soutenu par la France, le Libye et le Soudan. Idriss Déby remplacera Hissène Habré qui fuit au Sénégal.  

Le 29 décembre est créé par décret la « Commission d’enquête sur les crimes et détournements commis par l’ex-Président, ses co-auteurs et/ou complices ». 

1992 : La Commission rend son rapport final. 

La Commission en détails

Création : 29 décembre 1990 

Dissolution : mai 1992

Base juridique : Décret 90-014 du 29 décembre 1990 P.CE/CJ/90

 

Composition : 10 membres, dont 2 magistrats, 4 officiers de police, 2 administrateurs civils, 2 archivistes. Seulement un commissaire était une femme. Parmi les membres, 1 président (Procureur Mahamat Hassan Abakar) et 2 vice-présidents. En plus de ces 10 membres, la Commission a 2 secrétaires.

 

Mandat : Enquêter sur les détentions illégales, meurtres, disparitions, tortures, actes de barbarie, mauvais traitements, atteintes à l’intégrité physique des personnes et autres violations des droits de l’Homme, ainsi que sur les cas de trafic de drogue et de détournements de fonds publics, commis entre 1982 et 1990.

 

 

 

 

 

Compétences :

– Enquêter sur les détentions illégales, meurtres, disparitions, tortures, actes de barbarie, mauvais traitements, atteintes à l’intégrité physique des personnes et autres violations des droits de l’Homme, ainsi que sur les cas de trafic de drogue et de détournements de fonds publics ;

– Rassembler la documentation, les archives et les exploiter ;

– Saisir et placer sous scellés les objets meubles et immeubles nécessaires à la manifestation de la vérité ;

– Conserver en l’état les lieux de torture et les matériels utilisés ;

– Entendre toutes les victimes et les inviter à produire les pièces attestant de leur état physique et mental à la suite de leur détention ;

– Procéder à l’audition des ayants-droit et les convier à fournir toute pièce justificative et nécessaire ;

– Entendre toute personne dont la déposition peut être utile à la manifestation de la vérité.

– Déterminer le montant de la contribution à l’effort de guerre et son utilisation à partir de 1986 ;

– Vérifier les opérations financières et les comptes bancaires de l’ex-président, de ses co-auteurs et/ou complices ;

– Recenser tous les biens et immeubles se trouvant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, appartenant ou ayant appartenu à l’ex-président, à ses co-auteurs et/ou complices.

Conclusions et recommandations

La Commission a rendu son rapport final le 7 mai 1992, il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

 

Conclusions

– Le gouvernement d’Hissène Habré est responsable d’environ 40 000 morts ; 80 000 orphelins ; 30 000 veuves ; 200 000 personnes déplacées. Il a également pillé et confisqué le montant d’un milliard de CFA Francs par an.

– Parmi les institutions du régime, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) a été identifiée comme celle qui exerçait la plus grande cruauté et terreur à l’endroit de la population ;

– Des gouvernements étrangers ont largement appuyé le régime dans l’exercice des persécutions



Recommandations

– La principale recommandation de la commission était d’accélérer la mise en place d’un système judiciaire indépendant et de réformer les forces de sécurité.

– Création d’une commission nationale des droits de l’homme, ainsi que des poursuites et des réparations symboliques.

– Exclusion des anciens membres de la DDS du Centre de recherches et de coordination de renseignements (CRCR)

– Des garanties de non-répetition. 



Mesures post recommandations

Jusqu’à aujourd’hui, la plupart des recommandations de la Commission ne sont pas mises en œuvre, à l’exception de l’instauration d’une Commission nationale des droits de l’Homme.

Prise en compte des violences sexuelles

La Commission n’a pas porté d’attention particulière à la question des violences sexuelles durant la dictature.

Documents complémentaires

médiathèque audiovisuelle

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