Burundi

Commission Vérité et Réconciliation

Au sortir de la Première Guerre mondiale, la Belgique s’empare des colonies allemandes de l’Afrique orientale allemande (Deutsch Ost Afrika) dont la province de l’Urundi-Ruanda, qui constitue aujourd’hui le Rwanda et le Burundi. Dès lors, l’administration belge met en place son « aristocratie coloniale » où les tutsis sont favorisés par rapport aux hutus. Toutefois, lors des mouvements de décolonisation, le Rwanda et le Burundi deviennent indépendants, en 1962. Bien que les deux pays ne partagent plus le même drapeau ni la même appellation, ils partagent tous deux un héritage colonial commun. Ainsi, le, malheureusement, fameux conflit opposant tutsis et hutus au Rwanda n’est pas le seul à avoir opposé ces deux groupes. Un conflit inter-ethnique similaire, mais moins médiatisé en Occident, eut lieu au Burundi. Le début des violences généralisées, connues sous le nom des « Evènements », date de 1972, lorsque le Parti des Travailleurs du Burundi (à majorité hutue) décide d’exterminer la dynastie tutsie et son peuple. Après plusieurs républiques alternées de coups d’Etat et de violences cycliques, le président Pierre Buyoya (1987-1993) tente de réformer le pays via une transition politique. Une démocratie est instaurée en 1992, mais voyant que, grâce à leur poids démographique, les hutus allaient avoir la main sur l’Etat, chose inacceptable pour les tutsis, un groupe armé assassine le président hutu Melchior Ndadaye. La guerre civile de 1993 s’ensuit et de nombreux tutsis furent massacrés. En réaction, des militaires tutsis contre-attaquent en massacrant des milliers de Hutus. Le fait que l’avion transportant les présidents Rwandais et Burundais fut abattu le 6 janvier 1994 ne fut qu’aggraver les tensions. Cet évènement déclenchera le génocide du Rwanda, qui déstabilisera encore plus le Burundi. Jusqu’en 2000, le pays est donc en proie à la guerre civile. 

Toutefois, avec la signature de l’accord d’Arusha et grâce à l’intervention des Nations Unies, un processus de pacification est instauré. L’établissement d’une Commission Vérité et Réconciliation était prévue pour 2004. Cependant, les tensions inter-ethniques sont restées présentes. Par ailleurs, l’accaparation du pouvoir par Pierre Nkukrunziza de 2005 à 2015 (via des fraudes électorales) immobilisa le développement politique du pays et son processus de réconciliation. 

14 ans après les Accords d’Arusha une Commission très controversée fut mise en place pour enquêter sur les violations graves des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire commises entre 1885 à 2008. Toutefois, une nouvelle loi est intervenue en 2018 afin de repenser la Commission et de rallonger son mandat de quatre ans.

Chronologie

1er juillet 1962 : proclamation de l’Indépendance du Burundi.

Novembre 1966 : le capitaine Michel Micombero prend le pouvoir et établit un régime militaire au parti unique l’UPRONA (1ere République).

1972 : éradication de l’élite hutu. Assassinat du roi Ntare V.

Mars 1992 : rétablissement du multipartisme. Création du parti à majorité hutu FRODEBU.

Juin 1993 : élections présidentielles et législatives. Victoire du FRODEBU et du premier Président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye.

Octobre 1993 : assassinat de Melchior Ndadaye, premier Président hutu de l’histoire du pays. Massacres contre les paysans tutsis. En réaction, création de factions rebelles (FNL et CNDD-FDD).

Avril 1994 : le nouveau Président Cyprien Ntaryamira décède dans le même avion que le Président rwandais, Juvénal Habyarimana.

juillet 1997 : Sylvestre Ntibantunganya, lui aussi issu du FRODEBU, devient président.

1998 : début des négociations de paix d’Arusha avec les rebelles hutus.

Août 2000 : les Accords de paix d’Arusha sont signés. Est prévu un gouvernement de transition pour une durée de 3 ans. Ce gouvernement doit prévoir l’alternance de pouvoirs entre hutus et tutsis. Autrement dit entre le FRODEBU (Domitien Ndayizeye) et l’UPRONA (Pierre Buyoya).

2001 : début du processus de paix avec le CNDD-FDD dirigé par Pierre Nkurunziza. Ce parti deviendra bientôt un parti politique.

Juillet 2003 : le FNL, seule faction rebelle n’ayant pas accepté de participer au processus de paix, lance de violentes attaques sur la capitale Bujumbura, et ce, durant trois semaines.

Février 2005 : adoption de la nouvelle Constitution.

Juillet 2005 : Pierre Nkurunziza remporte les présidentielles.

Septembre 2006 : Accord de paix signé avec le FLN, dernière faction rebelle.

Juin 2010 : réélection de Pierre Nkurunziza à la présidence de la République et début des tensions.

Début 2012 : l’Union européenne dénonce les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, mais aussi la corruption et le manque d’indépendance de la justice.

Juin 2015 : un émissaire de l’ONU dénonce les atteintes aux libertés et les violences politiques dans le pays. Les hommes de main du pouvoir, les « Imbonerakure », la branche jeunesse du CNDD-FDD.

Avril 2015 : l’opposition juge l’initiative de Pierre Nkurunziza de se présenter pour un 3ème mandat contraire à la Constitution. Début de la crise politique. Manifestations et répressions policières.

Mai 2015 : destitution du président Nkurunziza, alors en Tanzanie, mais celui-ci le nie.

Juillet 2015 : Pierre Nkurunziza est déclaré vainqueur pour un 3ème mandat contrairement à la constitution.

Octobre 2015 : reprise des violences et climat de terreur.

Septembre 2016 : l’ONU dénonce des massacres ethniques et des viols collectifs dans un rapport.

Mi-juin 2017 :
la Commission d’enquête sur le Burundi présente son rapport lors de la 35ème Session du CDH à Genève. La Commission fait état d’exécutions extrajudiciaires, d’actes de torture, de violences sexuelles et sexistes, d’arrestations arbitraires, de détentions et disparitions forcées, avec demandes de rançons. Sont pointés du doigt les membres du service national du renseignement et de la police, parfois aidés par les Imbonerakure. Les victimes sont essentiellement les opposants au pouvoir en place.

Juin 2020 : Évariste Ndayishimiye devient président, mais le parti CNDD-FDD reste en place depuis 2005.

La commission en détails

Création : 15 mai 2014

Dissolution :

Base juridique : loi N°1/ 18 portant création, mandat, composition, organisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation, 15 Mai 2014

Composition : 13 membres
membres : Pierre-Claver NDAYICARIYE, Président de la CVR ; révérend Pasteur Clément Noé NINZINZA, Vice-Président de la CVR ; Léa-Pascasie NZIGAMASABO, Secrétaire de la commission ; BATUNGWANAYO Aloys ; Juvénal HAKIZIMANA ; Déogratias KARENGA Ramadhan NAHIMANA Elie NIYONKURU Pascal NDIKUMANA Déogratias NGABO ; Léonce NIJIMBERE ; Alice SINDOKOTSE ; Denise Goreth BIGIRIMANA.

Mandat : enquêter sur les violations graves des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire commises entre 1885 à 2008.

Compétences :

I. Enquêter et établir la vérité sur les violations graves des droits de l’Homme commises durant les belligérances évoquées précédemment, ce qui inclut la caractérisation et la détermination du contexte des violences, l’établissement des responsabilités individuelles et collectives, le recensement de fosses communes et l’exhumation éventuelle des corps pour un enterrement digne ;

II. Publier le nom des victimes recensées par la commission, le nom des personnes ayant contribué à la protection des plus vulnérables, mais aussi celui de criminels ayant demandé le pardon ou ayant fait acte de contrition ;

III. Proposer un programme de réparations comportant à la fois des mesures individuelles et collectives, tant matérielles que morales et symboliques, mais également un programme favorisant la réconciliation nationale, ou d’autre ouvrages et œuvres portant sur ledit objectif ;

IV. Établir une Journée nationale de commémoration à l’attention des victimes et ériger des sites et/ou monuments de réconciliation sur les prémices de lieux symboliques pour tous, que ce soit au niveau national, provincial ou local ;

V. Mettre en place des réformes institutionnelles pour garantir la non-répétition des évènements du passé, afin de bâtir une société burundaise juste et démocratique ;

VI. Contribuer, notamment par une recherche documentaire, à la réécriture de l’histoire du Burundi afin de permettre aux Burundais une version largement partagée et acceptée des évènements (attention à l’instrumentalisation de ce dernier point).

Conclusions & recommandations

Le rapport final est introuvable. Cependant, le rapport intermédiaire de 2020 affirme que :

  • L’ampleur des tueries de 1972 et le mode opératoire utilisé prouvent qu’il y a eu une planification préalable.
  • 374 personnes ont été entendues par la CVR (sur des milliers de victimes).
  • Des fosses communes ont été découvertes dans la province de Karusi (7.348 victimes) ; 11 dans la province de Gitega (3.630 victimes) ; 34 dans la province de Makamba (1.680 victimes) ; 16 dans la province de Rumonge  (813 victimes) et 7 dans la province de Ngozi (113 victimes).

Mesures post-recommandations

La Commission Vérité au Burundi a décidé de faire la lumière sur les massacres de 1972 à l’encontre des Hutus, alors même que d’autres massacres perpétrés la même année envers les tutsis sont totalement occultés. Ce choix est motivé par le fait que le gouvernement actuel fait partie du CNDD-FDD, parti de Nkukrunziza qui a commis de terribles crimes contre l’humanité depuis 2005, qui est, par ailleurs, à majorité hutu. Cela ne peut mener à un processus de réconciliation si la vérité est partielle et incomplète. Cependant, sans véritable cassure avec les partis d’autrefois eux-mêmes liés aux crimes du passé, il semble impossible d’aller de l’avant.

La prise en compte des violences sexuelles

La loi n°1/18 du 15 mai 2014 prévoyait des mécanismes pour les victimes de violences sexuelles auxquelles la loi n°1/022 du 6 novembre 2018 est venue apporter des modifications.

Documents complémentaires

Médiathèque audiovisuelle

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