Maurice

Commission Vérité et Justice

Durant la période coloniale, au 17ème siècle, et postcoloniale, l’ile Maurice a été témoin d’une forte maltraitance des travailleurs. Bien que l’esclavage ait été aboli en 1835, l’esclavage et les pratiques liées à l’esclavage sont restés très courants et se sont poursuivis sous d’autres formes, notamment la servitude pour dettes ou le travail sous contrat. Ces travailleurs étaient exploités pour effectuer de durs travaux agricoles et autres, et ne recevaient souvent pas assez de nourriture, de logement et de vêtements. 

En 2008, le Parlement mauricien a adopté une loi créant une Commission justice et vérité afin d’évaluer les conséquences de l’esclavage et du travail sous contrat pendant la période coloniale jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit d’un cas unique car jamais une Commission Vérité n’était remontée aussi loin dans le temps. En l’espèce, elle examinait des faits remontant à 1638 afin de déterminer quelles mesures pourraient être prises concernant les descendants d’esclaves. La commission a rendu son rapport final en novembre 2011.

Chronologie

1598–1710 : Colonisation hollandaise 

1715–1810 : Colonisation française 

1810-1968 : Colonisation britannique 

1835 : Abolition de l’esclavage à Maurice. Bien que le gouvernement britannique adoptait des lois dès 1823 pour l’abolition de l’esclavage, une clause écartait jusqu’à 1835 l’application de ces lois “aux territoires en possession de la Compagnie des Indes Orientales” dont Maurice.

Suite au départ de la majorité des esclaves, dès 1834, Maurice connaît une large vague d’immigration venant chercher du travail, principalement des indiens, appelés “les engagés”. Bien que le système d’engagement mis en place par les anglais prévoyait le versement d’un salaire aux travailleurs et ne leur refusait pas le droit de posséder des terres, contrairement au système de l’esclavage, les conditions de vie et de travail des travailleurs sous contrat étaient très difficiles, se rapprochant de celles des esclaves. L’engagisme ne sera arrêté qu’à la fin du 19ème siècle. 

1968 : Le 12 mars, l’Ile Maurice accède à l’indépendance. La nouvelle constitution est basée sur le système parlementaire britannique. Sir Seewosagur Ramgoolam devient le 1er Premier ministre. L’Île Maurice fait toujours partie du Commonwealth britannique. 

1992 : L’Île Maurice devient une république.

2008 : Le parlement adopte la Loi n° 28 créant la Commission Vérité et Justice. 

2011 : La Commission rend son rapport final.

La Commission en détails

Création : Février 2009

Dissolution : Novembre 2011

Base juridique : Loi n° 28 sur la Commission Vérité et Justice, Maurice, adoptée par le parlement le 22 août 2008.

Composition : La commission est composée de 5 membres.

Dr Alexander Boraine (Président), Dr Vijayalakshmi Teelock (Vice-Président), Mr Jacques David, Mr Raphael Benjamin Moutou, Dr Parmaseeven P. Veerapen, 

Anciens commissaires : Professor Robert Carl-Heinz Shell (Président jusqu’en novembre 2009) et Mr Lindsay Morvan (Commissaire jusqu’en avril 2009).

Mandat : “évaluer les conséquences de l’esclavage et du travail sous contrat pendant la période coloniale jusqu’à aujourd’hui.”

Compétences :

– Mener des enquêtes sur l’esclavage et le travail sous contrat à Maurice durant la période coloniale et période coloniale et, à cette fin, peut recueillir des informations et recevoir des preuves de toute personne ; 

– Déterminer les mesures appropriées à prendre en faveur des descendants des esclaves et des d’esclaves et de travailleurs sous contrat ; 

– Enquêter sur les plaintes déposées par toute personne lésée par la dépossession ou la prescription d’une terre sur laquelle elle prétend avoir un intérêt ; et

– Préparer un rapport complet de ses activités et de ses conclusions, basé sur des informations et des preuves factuelles et objectives qu’elle a reçues et soumettre le rapport au président. 

Conclusions et recommandations

Le rapport final a été remis par la Commission en novembre 2011. Il contient notamment les conclusions et recommandations suivantes : 

 

Conclusions : 

– L’esclavage concernait à la fois les esclaves et les propriétaires d’esclaves, car l’esclave était était avant tout une « possession, un bien » appartenant à une autre personne. Les deux groupes, de manière différente, ont été victimes d’un système. La réconciliation concerne donc les descendants d’esclaves, les propriétaires d’esclaves et l’État.

– Il est impossible d’établir avec des chiffres exacts le nombre de personnes qui ont subi l’esclavage colonial et la traite négrière. 

– Le niveau de compréhension de l’histoire mauricienne est faible chez les Mauriciens de tous les milieux et quel que soit leur niveau d’éducation. 

– Les stéréotypes concernant les descendants d’esclaves et les propriétaires d’esclaves, les Européens, les Africains, les travailleurs sous contrat, les Indiens sont répandus parmi les fonctionnaires, les entreprises privées et le grand public, et en particulier parmi les responsables de l’élaboration des politiques et des décisions.

– Les personnes de phénotype africain et d’ascendance africaine sont victimes de discrimination à différents niveaux dans l’île Maurice contemporaine, et de nombreux descendants d’esclaves et de travailleurs sous contrat vivent sous le seuil de pauvreté.

– De nombreux Mauriciens ne se sentent souvent pas libres de s’exprimer ouvertement et la population n’a pas suffisamment de connaissances des lois de Maurice et de l’importance de respecter les droits fondamentaux. 



Recommandations : La Commission fait de nombreuses recommandations visant notamment à promouvoir une réconciliation nationale fondée sur les principes d’équité, d’impartialité et de justice, ainsi qu’à accroître la justice économique et sociale.

Elle fait notamment les recommandations suivantes : 

– Augmenter le financement des commémorations de l’esclavage et de la traite des esclaves dans les lieux publics, et en particulier dans les lieux où les esclaves ont vécu, sont morts et ont travaillé. Ainsi que reconnaître plusieurs lieux et récits (listés) comme patrimoine national. 

– Les autorités doivent encourager la réflexion sur l' »histoire nationale » et l’histoire mauricienne doit être introduite à tous les niveaux dans le programme scolaire et pour toutes les catégories de Mauriciens. 

– Il est nécessaire de formuler des politiques nationales fondées sur des consultations publiques et professionnelles complètes et couvrant le patrimoine culturel et naturel, matériel et immatériel. Cela permettrait de jeter les bases du développement d’une gestion intégrée du patrimoine à l’île Maurice. 

– Des réparations doivent être accordées aux familles pauvres en termes de réparations sociales telles que le logement et l’éducation, afin que cette communauté et ses descendants soient mieux à même de créer une existence sociale et économique plus stable à l’avenir. 

– La discrimination à tout niveau dans la société doit être rendue illégale.

– Il convient d’encourager la promotion de l’interculturalisme et de favoriser la composition multiculturelle de tous les conseils et institutions.

– Création d’un centre national de généalogie pour aider les familles mauriciennes, dont beaucoup sont des descendants d’esclaves et de travailleurs sous contrat, dans leur quête d’identité, à reconstituer leur arbre généalogique, et pour fournir gratuitement aux Mauriciens toutes les données nécessaires à la reconstitution de cet arbre généalogique, compte tenu des nombreuses difficultés rencontrées par les Mauriciens ordinaires pour collecter les données pertinentes.

Mesures post recommandations

A la suite du rapport, des comités gouvernementaux ont été mis en place pour étudier les recommandations faites par la Commission. Leur travail a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment Parmaseeven Veerapen, un ancien commissaire, a accusé, les comités gouvernementaux, du fait de leur lenteur, d’être un peu plus qu’un « lavage oculaire ».

Le gouvernement a mis en œuvre plusieurs recommandations de la Commission. Nous pouvons notamment citer : la création de la commission pour l’Égalité des chances, l’introduction de la langue créole dans l’enseignement, la création d’un ministère de l’Intégration sociale et de l’economic empowerment, la mise en place d’un musée de l’esclavage à Port-Louis, l’étbalissement d’un service de recherche sur des cas de dépossession de terres, la mise en valeur de musées de sites de mémoire ou encore létude confiée à Benjamin Moutou sur la contribution des esclaves et de leurs descendants au développement de Maurice.

Pour autant, nombreux sont ceux qui estiment que les actions du gouvernement ne sont pas suffisantes. En décembre 2020, Jean Claude de l’Estrac a publié un livre intitulé “Terres Possession et Dépossession” qui souligne l’inaction de l’industrie sucrière et des politiciens et la persistance de l’injustice sociale, les effets néfastes de la politique ethnique et la confusion causée par les récents changements juridiques apportés à « l’acquisition sur ordonnance ». 

prise en compte des violences sexuelles

Le rapport évoque brièvement les cas de violences sexuelles commises à cette période, et les violences spécifiques qui touchaient notamment les femmes et les enfants. La commission déclare notamment : “Les femmes esclaves se plaignaient souvent de mauvais traitements et d’exploitation sexuelle.”

documents complémentaires

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