Chili

Commission Nationale Vérité et Réconciliation

Le 11 septembre 1973, le gouvernement de Salvador Allende est renversé par un coup d’État militaire mené par le Général Augusto Pinochet. Une dictature militaire est alors mise en place jusqu’en 1989. Ce régime est connu pour ces multiples atteintes aux droits humains envers leurs opposants politiques (partisans de l’Unidad Popular, du MIR et du Parti communiste), notamment d’innombrables assassinats et disparitions forcées. La torture, tant physique que psychologique, était également une pratique institutionnalisée. Le gouvernement Pinochet partcipera également activement au plan Condor, système d’échange d’informations et de collaboration entre les polices secrètes des dictatures d’Amérique du Sud pour la traque, l’arrestation voire l’assassinat d’opposants politiques, dans les années 1970 et 1980. 

La Commission Nationale Vérité et Réconciliation du Chili est créée en 1990 dans un contexte de tensions. Elle a pour objectif de faire la lumière sur les assassinats et les disparitions forcées intervenues durant la dictature Pinochet, afin de parvenir à une “réconciliation nationale”. Elle a rendu son rapport final, dit Rapport Rettig, en février 1991.

Chronologie

1973 : Un coup d’Etat, mené par le Général Augusto Pinochet, renverse le gouvernement du Président Salvador Allende. Une dictature militaire est instaurée. 

1974 : Création de la Direction nationale du renseignement (DINA) qui est chargée de poursuivre les opposants au régime. Elle est accusée d’avoir détenu, torturé, assassiné et d’avoir fait disparaître de nombreux opposants politiques, notamment dans le cadre des opérations Condor, Colombo ou encore Calle Conferencia I et II.

1977 : Dissolution de la DINA qui est remplacée par le Centre National d’Information (CNI).  

1978 : Adoption d’une loi d’amnistie par la junte militaire garantissant l’impunité des crimes et exécutions commis entre 1973 et 1978, à l’exception de l’assassinat de l’ancien ministre Orlando Letelier (1976).  

1979 : Adoption d’une nouvelle Constitution par référendum. 

1988 : Par référendum, le Général Pinochet soumet son maintien au pouvoir au vote. La victoire du “non” ouvre la voie à une transition démocratique. 

1989 : Le candidat démocrate, Patricio Aylwin, est élu président au premier tour des élections. 

1990 : Établissement, par le Président Aylwin, de la Commission Nationale de Vérité et Réconciliation pour enquêter sur les violations des droits de l’homme commises pendant le régime de Pinochet et favoriser la réconciliation nationale. 

1991 : Publication du Rapport final de la Commission nationale de vérité et réconciliation, dit Rapport Rettig. 

La commission en détails

Création :  9 mai 1990

Dissolution : 9 février 1991

Base juridique :  Décret présidentiel No. 355 du 9 mai 1990

Composition : 8 membres nommés par le décret présidentiel : 

Raúl RETTIG GUISSEN (Président), Jaime CASTILLO VELASCO, José Luis CEA EGANA, Mónica JIMENEZ DE LA JARA, Ricardo MARTIN DIAZ, Laura NOVOA VASQUEZ, Gonzalo VIAL CORREA, José ZALAQUETT DAHER

Mandat : Reconstituer la vérité sur les violations des droits de l’homme les plus graves commises les années précédentes au Chili (et à l’étranger si elles sont liées au gouvernement chilien ou à la vie politique nationale), afin de contribuer à la réconciliation de tous les Chiliens.

Compétences :

– Dresser un tableau le plus complet possible des violations graves des droits de l’hommes, ainsi que de leurs antécédents et de leurs circonstances  ;

– Rassembler les éléments de preuve qui pourraient permettre d’identifier les victimes par leur nom et de déterminer leur sort ou leur localisation. 

– Faire des recommandations sur les mesures de réparation et de réintégration qu’elle juge justes ; 

– Faire des recommandations sur les mesures juridiques et administratives qui, à son avis, doivent être adoptées afin d’empêcher que des actes tels que ceux mentionnés dans cet article ne soient commis.

Conclusions et recommandations

La Commission Nationale de Vérité et Réconciliation du Chili a rendu son rapport final en février 1991. Il inclut les conclusions et recommandations suivantes :

Conclusions : 

– Le rapport final de la Commission confirme l’existence de 2.279 victimes dont au moins 957 personnes disparues suite à leur arrestation. La Commission évoque l’existence de cas qui ne relèvent pas de son mandat et d’autres cas dans lesquels il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour mener une enquête. Le rapport ne comptabilise aucune autre exaction ou voie de fait comme les actes de torture, les radiations de fonctionnaires, les exilés ou les prisonniers politiques.

– La majorité des violations graves des droits humains commises par le gouvernement chilien ont eu lieu entre 1973 et 1977 dans le cadre d’une stratégie mise en place par le gouvernement. 

– La DINA a été responsable d’une grande partie de la répression politique au cours de la période entre 1973 et 1977.  

Recommandations :

Mettre en place des réparations symboliques et une pension unique de réparation.

– Mettre en place une procédure spéciale pour déclarer le décès des personnes disparues après leur arrestation et non retrouvées.

– Créer une institution permanente pour protéger les personnes de potentiels abus de pouvoir et garantir la protection des droits de l’homme.

– Réformer la législation et les institutions pour garantir une meilleure protection des droits de l’homme et une indépendance de la justice.

– Ratifier des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et modifier les lois nationales pour qu’elles correspondent aux normes internationales du droit des droits de l’homme.

 

Mesures post recommandations

– Le président Aylwin a approuvé les conclusions de la commission et a présenté des excuses aux victimes et à leurs familles au nom de l’Etat. 

– En 1992, la loi N°19.123, crée la Corporation nationale de Réparation et Réconciliation. Elle a pour objectif de rechercher des victimes qui n’ont pas pu être identifiées par le Rapport Rettig. Elle rend public son rapport en 1996 dans lequel elle reconnaît 899 nouveaux cas, dont 776 personnes exécutées et 123 personnes disparues. 

– En 1997, le Programme des Droits de l’Homme est créé, par le décret N°1.005 du ministère de l’intérieur, dans le but de poursuivre le mandat de la Corporation nationale de Réparation et Réconciliation. 

– En 1998, Augusto Pinochet est arrêté à Londres puis assigné à résidence surveillée à la suite d’un mandat d’arrêt international émis par le juge espagnol Baltasar Garzon. Les jugements britanniques n’aboutissent à aucune sanction en raison de l’état de santé du général. En 2000, la Cour d’appel de Santiago lève l’immunité parlementaire de Pinochet, et est inculpé par la Cour suprême chilienne pour divers meurtres qui ont suivi le coup d’État de 1973. Ces poursuites seront entravées par l’état de santé d’Augusto Pinochet et seront finalement classées sans suite ou d’un non lieu s’agissant de l’affaire relative à l’opération Condor. 

– En 1998, est supprimée la fête nationale célébrant le coup d’État de 1973.

– En 1999, est créée la « Table de dialogue sur les droits de l’homme », initiée par le Président Eduardo Frei, afin d’enquêter sur le sort des disparus. Son rapport a été publié en 2001 et s’est conclu par la reconnaissance par l’armée des violations des droits de l’homme commises durant la dictature militaire. 

– Création en 2003 par le président Ricardo Largos de la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture, afin de documenter d’autres abus commis sous le régime de Pinochet notamment la torture. La Commission a publié le Rapport Valech en novembre 2004. Elle publie un second rapport en 2005 incluant 1201 nouveaux cas. 

– En 2009, création de l’Institut pour les Droits de l’Homme, agence gouvernementale dont l’objectif est la promotion et la protection des droits de l’homme. 

– En 2020, par référendum le peuple chilien vote pour la modification de sa Constitution, inchangée depuis la dictature militaire. La nouvelle Constitution, découlant des travaux de l’assemblée constituante, devrait être soumise à référendum en 2022. 

la prise en compte des violences sexuelles

Le Rapport Rettig ne traite pas spécifiquement de la question des violences sexuelles.

documents complémentaires

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